Vieille fable hivernale – Christian Satgé

                                                                           Petite fable affable

Une fable avait cours parmi l’Antiquité,
Et la raison ne m’en est pas connue.
Que le lecteur en tire une moralité.
Voici la fable toute nue¹ :

C’est l’hiver blanc de neige et transi de frimas.
Quittant la forêt où la nourriture
Manque, chevreuils et daims, victimes du climat
Près d’un village, tentent aventure.
Sous un arbre couvert d’un manteau uni et froid,
Attend une crèche toute en fourrage.
Nos bêtes s’approchent un peu malgré l’effroi.
La faim leur donne du courage.

Un daim broute l’herbe sèche, prêt à s’enfuir.
Rien. Les autres alors le rejoignent.
Tous avalent de quoi réchauffer chair et cuir,
Sauf les faons grattant avec poigne.
Cherchant leur pitance sous le manteau tout blanc,
Ils bousculent de leurs armes naissantes
Les autres. La daine s’en plaint sans faux semblant,
Voix aigre et phrases cassantes.

Chez les parents du faon, nulle est la réaction.
Et chacun reprend sa part de la manne.
À nouveau, la daine est bousculée dans l’action
Par un petit et le chicane.

La mère de ce faon s’interpose dès lors
Et explique, docte et lasse à la mécontente,
Qu’il ne faut pas crier sur les enfants, cet or,
Puis elle ajoute en vraie battante :
« Il ne faut contrarier en rien par des carcans
Ces Amours, au risque du traumatisme.
L’excès d’autorité est un abus choquant
Et la contrainte un archaïsme ! »

Le daim le plus brave, celui qui entreprit,
Le premier, de manger si près des Hommes,
Entendant ces propos, comme un vrai malappris
Se mêle d’agir. Voyez comme :
Il heurte de ses bois l’arbre qui protégeait
La provende, les bêtes, la mangeoire.
Aussitôt la tanceuse, crûment enneigée,
Joue plus fort encor’ des mâchoires.

« J’ai été éduqué selon vos lois, dit-il.
Sans borne. Et poursuis ma vie à ne faire
Que ce qu’il me plaît et me sied. Foin de babil,
Il faudra vous en satisfaire ! »

© Christian Satgé – avril 2013


¹ Jean La Fontaine, Tribut envoyé par les animaux à Alexandre, livre IV, fable 12.

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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