Tribulations… – 2 et 3 – Philippe X

Suite 2… Tribulations.

TRIBULATIONS D’UNE TRIBU EN MANQUE DE PROPHETE

    Des membres de la famille se sont pointés sans prévenir et les retrouvailles dans cette petite bourgade située au paradis du nougat étaient inévitables.

    « Zinda ! Dicav c’est le Tonio le frère de mon défunt papou ». 

    Le fourgon Ford de la Sonia a brutalement stoppé sur le bord de la route (ça, c’est une image, car vu l’état du camion et de ses freins, je ne vois pas comment il aurait pu stopper net ).                                                

    Les retrouvailles furent vraies et les embrassades chaleureuses. Le convoi de quatre caravanes se mit en marche pour rejoindre le stationnement prés du centre commercial.

    Ce petit coin de paradis allait connaître l’agitation des grands soirs, pour sûr, il y avait de la fête au programme. 

    Les derniers euros passèrent entre les mains des caissières du super-marché, en boisson , friandises, boissons, boissons et boissons. Question : qu’allaient-ils faire de toutes ces friandises (mort de rire…)

    Mais ce soir il fallait bien proposer un menu qui sorte de l’ordinaire pour ces retrouvailles extraordinaires car il y avait du mariage dans l’air entre deux jeunes coquins de cette famille.

    Le Bebo, chef de la famille qui recevait, n’avait pas un sou en poche, la boite à vitesse de son camion lui avait fait une infidélité, ne rien faire aurait été pour lui et sa famille un affront.

    Son futur gendre, un petit homme racé en coquineries, avait bien une idée, et il vint me la soumettre.

    J’étais de passage, ma caravane trempait sa flèche dans la Durance toute proche.

    Avec mon Beau-père, nous avions pris la route pour nous rendre au pèlerinage des Saintes en Camargue.

    Au pied des coteaux du Tricastin, en Base vallée du Rhône, nous avions pour habitude de laisser souffler les chevaux vapeur en passant la nuit dans un camping de moindre importance.

    Le ciel était bas, menaçant, la fatigue était là, la halte serait salutaire.

    À l’entrée du lieu, une pancarte indiquait qu’il y avait un risque de débordement du fleuve.

    Prudent, je n’ai pas dételé la caravane, prêt à partir en urgence. Les femmes étaient à l’ouvrage, préparant la nuit.

    Nous les Hommes, nous sommes partis en reconnaissance, direction le bar du camping.

    Sur le chemin de la “chapelle”  nous avons croisé un pêcheur dépité de n’avoir pu sortir de l’eau un brochet monstrueux.

    Cet animal était l’enjeu d’un pari entre les pécheurs du coin, un repas était offert à celui qui le sortirait hors de l’onde.

    L’Ancien retourna précipitamment  au fourgon, et au pas de course, se dirigea vers la rive.

    En deux temps et trois mouvements, ce fut à mon tour de me précipiter pour porter de l’aide à mon Beau-père. Je le trouvais agrippé à une branche basse, de l’eau au niveau de la poitrine et tenant de sa main libre, son lancé fétiche.

    En bout de ligne l’énorme brochet tentait désespérément de jouer la fille de l’air.

    Je passerai sous silence d’écriture, la suite des manœuvres pour le tirer sur la berge.

    Le soir, ce furent de belles libations qui eurent lieu au restaurant, le «Tartarin du Brocheton» offrit le poisson au cuisinier, en contrepartie, nous avons pu boire, boire et boire gratis !

    A peine remis de leurs émotions, nos foies gorgés « d’Amer Picon » ne purent distiller en toute tranquillité. (jeu de maux avec la Mer du même nom sur la lune ) .

    Les Gendarmes locaux (pas locos!) nous firent déguerpir suite à la montée des eaux.

    Peu de temps après, les eaux du Rhône venaient chercher, pour se venger sans doute, l’auteur du meurtre du Brochet en recouvrant une partie du terrain de camping .

    Nous avons repris la route  en pleine nuit pour faire une nouvelle halte, et pour me permettre de vous relater ce qui va suivre.

    Je vous rappelle que cet épisode s’est déroulé il y a quelques années, ce n’est qu’en cet hiver 2020 que je vous relate, mon Beau-père venant d’être frappé par cette saloperie de maladie d’Alzheimer, c’est à votre conteur qu’a été confié ce devoir de mémoire.

    Régulièrement, je recevais la visite de ce petit Rabouin qui venait cogner à  la porte de ma caravane.

    Tous les prétextes étaient bons : un drôle de bruit dans le moteur, un manque d’informations  sur les dangers de l’alcoolisme au volant, une démarche administrative à remplir concoctée  par un « père Fourrasse  sadique », une  proposition de rachat d’une vieux meuble « sur ma défunte mamie le broc du coin lui en avait offert 5OO euro mais plutôt crever que de vendre à ce gadjo » alors que moi si j’avais, ne serait-ce que 100 euros, et bien il serait pour moi ! Ben voyons !

    Les règles étaient fixées entre nous et tout fonctionnait cool.

    « Révérend, j’ai besoin de toi, comment je peux faire pour ce soir, trois poulets de Pâques ( il voulait dire P.A.C ) dix litres de vin pour 26 personnes, c’est peu ? ».

    Je lui ai raconté la parabole des pains et des poissons puisant dans mes connaissances bibliques pour lui remonter le moral…. Il manquait d’humour.

    Je suis comme ça, j’aime bien porter aide et assistance à mon prochain, mais j’étais en peine d’inspiration et les régles étant ainsi établies, pas de prêt d’argent sous peine de perdre ses amis ou tels… Comme le disait si bien Guillaume.

« Et un méchoui, tu saurais me le faire ? »
« Oui, à qui tu vas piquer le mouton ? »
« J’ai une idée, viens ce soir vers 21 heures, tu me donneras un coup de main ».

    Je pressentais la soirée catastrophe, je n’allais pas être déçu…..

Suite 3 et Fin…

    …. Le soir, nous avons formé 2 groupes. Le premier à bord d’un  fourgon Mercedes rutilant se trouvait mon pote, le Gitan, son gendre, deux de ses garçons. 

    Dans le second fourgon IVECO, je prenais place en compagnie de deux autres hommes de la famille.

    L’idée de génie de ces fadas était la suivante :

    Après avoir repéré un troupeau d’agneaux dans un champ, un groupe se posterait en bordure de la route, l’autre prendrait le troupeau à revers pour le pousser en direction du premier groupe. Effet tenaille garanti.

    Vous connaissez les pieds nickelés ? C’était avant… Maintenant c’est la version manouche-nickelés !

    Ne tenant pas à passer pour un porte-poisse, je me suis posté bien sagement à proximité du fourgon IVECO, persuadé que j’allais assister au Waterloo du nomade.

    Il faisait nuit noire, quelques bruits de clochettes agrémentaient cette douce pénombre, le calme avant la tempête.

    De brefs éclats de lumière provenant de lampes de poche trahissaient la présence des rabatteurs.

    “Les bouchers” attendaient en salivant, que leurs premières victimes se jettent dans leurs pauvres mains d’assassins.  C’est sûr, ce soir c’était le bamboula party.

    Deux des acolytes avaient ouvert les portes arrière du fourgon, ce dernier placé de telle façon pour  que les agneaux dévalant les pentes du champ s’engouffreraient dans la bétaillère… Du producteur aux consommateurs.

    Dans le silence angoissant de cette nuit de rapt d’ovins, un grondement sourd se fit entendre… De plus en plus précis… De plus en plus fort… Pas de doutes le grondement venait dans notre direction.

    J’étais très curieux de connaître la suite de cette opération désastre… 

    Y’ a pas de doutes, le troupeau venait rapidement dans notre direction, le martèlement des sabots sur le sol me faisait penser à un troupeau de bisons pourchassé par Buffalo Bill himself.

    J’étais maintenant très intrigué, une dizaine d’agneaux n’aurait pas produit autant de bruit, ce grondement sourd se transformait en un vent de panique.

    Soudain, je vis les deux lascars chargés de capturer l’offrande promise à la fiesta, détaler en direction de leur fourgon. Le plus agile grimpa sur le toit du véhicule, le second se jeta sous le châssis.

    Un troupeau de plusieurs dizaines de têtes de bétail dévalait la pente du champ, arrachant les fils de la clôture, pris de panique, ils bousculèrent le camion, causant de gros dégâts à la carrosserie, malmenant le rescapé qui tomba du toit et infligeant au « reptile Manouche » caché entre les roues jumelées, la plus grande trouille de sa vie.

    Un steak sur pattes s’était encastré dans le fourgon et ne voulait plus en ressortir,  peut-être à l’envie de voyager gratis,

    Cette soirée de cannibalisme tournait à la mascarade !  J’eus beaucoup de mal à reprendre mes esprits , surtout lorsque j’aperçus le reste de la troupe de dézingués venir aux nouvelles persuadés d’avoir fait le plein de viande « au super marché du pas cher ».

    Leurs trognes d’hilares abrutis me firent éclater de rire à gorge déployée, car maintenant deux des larrons tentaient de faire sortit la vache du fourgon.

    Le pire était à craindre, devant la débâcle, le conducteur embraya pour fuir l’instant présent.

    L’IVECO, transformé en bétaillère prenait la fuite, laissant sur place tous les complices, et au premier virage, la vache d’une ruade défonça les portes arrières, se libérant sur le coup et délestant le contenu sur la route. 

    C’est ainsi que couverts de bouse de vache, au petit jour, les paysans locaux découvrirent une poussette d’enfant, une pompe à peinture pour la façade, un nettoyeur haute- pression, un barbecue et divers objets de la vie courante.

    Étranglés par les fous rires, sur le chemin du retour, il n’y eut pas de débriefing pour cette opération commandos en terre ennemie.

    Quant aux promesses de repas pantagruélique, elles se situèrent  entre le brouet spartiate et la soupe à la grimace…

 

©Philippe X – 09/02/2020

 

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5 Commentaires
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Invité
11 février 2020 11 h 17 min

Bonjour Philippe c’est toujours agréable à vous lire, c’est beau profond et touchant
Agréable journée
Mes amitiés
Fattoum.

Invité
11 février 2020 6 h 56 min

Je remercie Chantal, bonne fée des causes perdues, pour l’aide précieuse qu’elle apporte dans les corrections de mes parutions.
Ces dires ne sont pas des délires, mais à bien les lire, je conçois que vous puissiez nous maudire Nous, les Gens du Voyage.
Si tel était votre cas, le but a été atteint…ne pas vous laisser indifférents……On the roas again.