Torpédo et Berlingot – Christian Satgé

 

Petite fable affable

 

Alors que le printemps sent venir sa déroute,

Berlingot l’escargot, limace lourd vêtue,

Par les chemins, bon an mal an, allait sa route.

Faute de saliver dans un champ de laitues,

Son train de sénateur, l’amène, courbatu,

À baver, ici, sur les bavards qui musardent,

Plus loin, sur les larves qui, devant lui, flemmardent.

C’est que ce bilieux est hargneux et teigneux,

Pressé de se traîner des matines à laudes,

Bousculant le badaud, pour le moins dédaigneux :

Ce gastéropode, chers à nos antipodes

Affirme aux fainéants, aux blêmes besogneux,

Qu’il doit passer vite car lui, oui, il travaille.

Pour une cagouille, c’est là, bonne trouvaille !

 

Or, un jour, il heurte Torpédo la tortue

Et sert sa scie à l’hôte de la carapace

Qui, de vaguer tout en flânant, se fait vertu.

« Et pourquoi faudrait-il que, devant moi, tu passes ?…

Tu auras beau filer à cornes rabattues,

 Tu n’iras guère plus loin que ces crucifères !…

Qu’as-tu de plus pressé que de ne rien faire ? » 

 

Pour le coup, l’escargot se répand sans tarder :

« Je suis pressé comme ne sauront jamais l’être

Les lents qui lanternent, les mous acagnardés,… :

Plus luisant que brillant, sur l’herbe, sous les hêtres,

Je trace mon chemin, prévois mes embardées.

Ayant fort l’estomac dans les talons, je pense

Aux récompenses qu’il faut offrir à ma panse !

À pied, d’un bon pas, prétend le colimaçon.

– Fi donc, fait la tortue, et moi, là, qui te toise !

De peur de déranger je marche en limaçon,

Pour ne jamais blesser, ni le ver ni l’armoise,

Ma patte hésite et mon bec n’est point voraçon.

Moi qui suis hors d’âge, te le dis, pauvre dupe :

Qui ne songe qu’à soi, en vrai, de peu s’occupe” ! »

 

© Christian Satgé – octobre 2015

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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