Tant et tant de temps – Christian Satgé

Petite fable affable
 

« Non, mon ami, ce n’est pas parce que je m’appelle 
Prosper, que je le suis réellement ! » rappelle
Un bourgeois bouffi et étoffé au mendiant
Qui, là, sur son pas de porte, vit d’expédients.
« Beau ou mauvais, tu vis – quand tu cesses enfin de geindre –
De l’air du temps, et comme le temps c’est de l’argent,
Pourquoi, tout le temps et par tous les temps, te plaindre ?  »
Rajoute le nanti cousu d’or à l’indigent.

« Moi, conclut l’opulent cossu, avec emphase,
Je n’ai, qu’importent le jour ou la lune et ses phases,
Le temps de rien car, vrai, en un rien de temps, 
Ces derniers temps, ceux-ci courent et filent autant
Que malandrins devant le guet… Comment puis-je
Rattraper ce temps perdu et les sous envolés
Avec lui comme les feuilles d’automne voltigent ?
Moi qui ai fait profession de foi de gagner
Du temps, donc des pécunes, sur tout et par poignées,
Me voilà marri… Je ne peux le temps prendre
Car il presse, utile ou non. Veux-tu l’Ami, m’apprendre
À jouir comme tu le fais tant du temps présent, 
Composé ou pas ? » termine le nanti dans un rire.
Le maigre miséreux, loin d’être médisant,
Répond malgré quelques dents en moins au sourire :

« Fils de Crésus, je mesure ma chance ô combien :
Veux-tu échanger ma place contre tes biens ?
Non pas ?!… Et je le comprends mais pourquoi tu moques
Ma détresse et te joues que je ne sois que loques ?
Je crois, Milord, que tu oublies qu’ici bas
Nous n’avons pas le même temps mais aurons, Diable,
 La même fin et, toi, tu te perds en débats
Sur le temps que tu tues et qui me tue, serviable !  »

 
© Christian Satgé – décembre 2017

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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