Sur les bords des docks – Anne Cailloux

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Sur le bord des docks, à deux pas des remparts, nichait un bar : Le Glencar.
Le propriétaire était surnommé, Mister Been, un pur anglais, amoureux de cette côte couleur caraïbe. Cet homme était devenu aussi Français qu’Anglais ! Comme disait le capitaine Nemo, ce n’était plus des vannes que lui lançaient les marins, mais des écluses.

 Le capitaine Nemo revenait des indes, son navire sentait bon les épices, parfois, les soirs de bordées, ce marin au long cours, narrait le temps ou les navires sentaient la sueur et les larmes. Sous des airs de blues et dans des bruits de chaînes, souvent les cales prenaient l’eau. Ces histoires finissaient à la santé de tous ces négriers morts pour une certaines liberté, acquise bien trop tard.

Ce soir était la Saint-Patrick, pas un fidèle n’aurait raté cela, français comme anglais !
Évidemment, sur le menu, trônait en lettre capitale le mot : FISH.
Roast-beef, Yorkshire Pudding.
Un sardinier des Cornouailles, parlait de son ami, le Roi des océans, l’albatros, qu’il avait surnommé Géraldine, le nom de sa belle-mère. Ce mariage hors du commun avait duré 6 mois. Ils s’étaient habitués l’un à l’autre. L’albatros détectait les bancs de poissons et le capitaine laissait l’oiseau se servir dans la cale débordante d’écailles argentées.

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Aujourd’hui, il avait quitté l’oiseau pour la terre ferme, un abandon aussi douloureux que celui d’une femme.
Le capitaine du renard, dernier bastion de Surcouf, distilla une histoire qui fit sourire Mister Been.
-Vous autres anglais, avez voulu prendre notre Fort Vauban ”La Conchée” Le 14 juillet 1695, après deux jours de combats acharnés contre une flotte anglo-hollandaise, les vaisseaux anglais durent battre en retraite.
Fort jamais pris par la mer, vous n’avez pris que la houle, que vous avez ramené chez vous. Les Rosbeef vous n’êtes pas rancuniers, alors pour cela Mister Been, je t’offre une Glorious English.
L’anglais lui répondit :
-J’accepte, car un marin qui n’est pas fidèle à son bar ne vaut rien.

Mousqueton pris la parole, ce marin était le roi des mots, le prince des effets spéciaux. Vous deviez impérativement fermer les yeux et écouter ce narrateur hors du commun. Ses chroniques prenaient la formes des vagues, ses tempêtes devenaient déferlantes. L’imitation des bruits assourdissants des vagues, transperçaient vos oreilles et bien souvent les femmes avaient le mal de mer et s’accrochaient aux tables.
Ses hommes se racontaient les océans, les flots, jamais les mêmes, les peines et les manques, toujours les mêmes.

Ā une heure crépusculaire, les regards s’étaient sont portés vers la baie. Dans un silence de cathédrale, le soleil parti épouser les flots. Le cuivre d’or du soleil se reflétait dans les yeux de tous ses marins, la mer leur avait de nouveau caressé l’âme.
Au loin, un jeune matelot surnommé serre-fesses offraient des fleurs d’écume a une jolie brune
Le bord de mer anisé se mêlait aux bois flottés.

Devant la rade, un antique marin d’un âge incertain, noyaient ses larmes dans une mer génépi, cherchant sa jeunesse au fond de ces flots.

Sur le bord des docks, à deux pas des remparts une musique anglaise se fait entendre, si vous poussez la porte, vous verrez écrit en gros, la devise de la maison… ”Venez comme vous êtes”. !

Anne Cailloux 2019

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Anne Cailloux

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Depuis ma naissance, je fus autodidacte et trop rêveuse.Spécialiste dans l'art thérapie et les maladies neurodégénératives, j’essaie de retenir le temps des autres et du mien.. Quelques diplômes, une passion pour l'art et les poètes. J'ose dormir avec Baudelaire.Je suis une obsédée textuelle . Je peins, je crée et maintenant j’écris. Je remets cent fois mon ouvrage pour me corriger. De quinze fautes par lignes je suis passée à quinze lignes pour une faute... Deux livres en préparation et peut-être un recueil de poèmes, si Dieu veut.Anne
Je suis une junky des mots..

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6 Commentaires
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Christian Satgé
Membre
2 septembre 2019 13 h 58 min

Un nouveau décor de bar qui réussit si bien à votre plume trempé au rhum des émotions fortes et du dire vrai. De la gouaille et une pointe de vécu dirait-on tant c’est bien décrit… et donc écrit.

Philippe X
Membre
24 août 2019 5 h 39 min

J’ai lu sous quelques cieux d’avant :
Vous, Français, vous vous battez pour l’argent. Tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur ! »
Et Surcouf de répliquer :
« Chacun se bat pour ce qui lui manque. »
N’est ce pas une réponse de Robert Surcouf?
Joli texte en vérité que le votre. Merci

O Delloly
Membre
22 août 2019 22 h 41 min

bien belle chronique nous amenant un temps en ce face à face anglais… ah Saint Malo, ..
merci Anne pour ce talent
Ol