La sensualité dans le bus – Anne Cailloux

C’était un jour de grêve, bouchon démesuré à ‘d’enfer Rochereau’ mon bus passait tout près du cortège.

Les Gobelins, parcours typique de toutes manifestions.

L’hôpital m’attendait avec un autre cursus, celui des souffrances. Le bus 21, bondé comme un verre trop plein, mais le silence était de mise, comme d’habitude, la bonne éducation à du bon à certaines heures. Des torses, des dos, certaines parties de nos corps se touchent, proximité obligatoire.

Une main venant de derrière moi, vient s’accrocher à la barre. Je lève les yeux sur ces doigts qui sont à 20cm de mon regard.

Main puissante, les phalanges bougent comme pour marquer un tempo. Le costume noir est impeccable, la chemise est d’un blanc cassé. La cadence ralenti, je suis obnubilée par cette main, je ne la lâche pas des yeux, comme si mes sens en dépendaient…

La main reprend son tempo, comme un jeu.

Notre composition chimique est étonnante, il y a un homme à ma droite qui est collé à ma hanche, la proximité est beaucoup plus proche qu’avec cette main, mais je ne l’ai pas regardé, je ne me suis même posée aucune question, car il n’y avait aucune ambivalence et je n’aurais pas aimé.

Devant moi un jeune homme me fait un sourire comme, pour une pub de dentifrice et mon cerveau s’est figé sur cette main, puissante, masculine jusque dans les gestes…

Je dois me retourner et voir cet homme….Je dois.

Je me retourne et garde les yeux baissés avec un sourire. Un parfum envoûtant qui va bien avec l’homme .

Les chaussures sont impeccables. Noires avec des arabesques en reliefs. Très importantes les chaussures chez un homme.. Je remonte et je garde les yeux sur son torse.

Je sens son regard sur moi, chemise blanche impeccable col Mao, j’adore.

Je remonte mon regard vers lui. Puissance du taureau et posture du matador. Une statue de Rodin..

Il détourne les yeux gêné !  Cela ne correspond pas de ce que je me faisais du personnage.

Je lui marche sur les pieds avec aisance : « Veuillez m’excuser, je n’ai pas beaucoup de place. Il me murmure avec une voix très douce un  « Je vous en prie, il n’y a pas de mal »

Mais il ne me regarde pas, trop timide.  J’insiste simplement pour plaisanter et le mettre mal à l’aise.

Oui, je sais, je suis vilaine, mais c’est mon petit plaisir du jour. Je murmure un : ” Vous ne trouvez pas qu’il fait chaud !”  Là, il me regarde et me dit : “Certainement, vous avez raison.”

D’un coup mon regard se pose sur le côté gauche de sa veste et j’y découvre une petite croix…Mes yeux ne quittent pas cette croix, son regard ne quitte pas mes yeux, je deviens rouge de honte.

Bien sur, le col Mao, la donne a changé, la main passe.. Mon humour prends la relève.

Les seuls mots que je prononce avec un super sourire, sont : “Seigneur, Jésus, Marie, Joseph et tous ses Saints ! “L’homme de Dieu me répond avec un sourire, comme vous dites mon enfant.

Sauvé grâce à ma station où je dois descendre.

Je chuchote alors à cet homme : “Je n’ai jamais été aussi proche de Dieu qu’à cet instant. Bonne journée à vous et pardonnez-moi, si je ne vous appelle pas mon père, mais vous comprenez..”

Je suis descendue du bus, il avait le regard sur moi..

j’ai levé les yeux au ciel et j’ai murmuré à Dieu : “Vous exagérez seigneur de mettre cet homme sur mon chemin, de le soumettre à la tentation et surtout de tenter une brebis comme moi, perdue au milieu de tous ces gens.. La prochaine fois je porterais une silice..”

J’ai poussé la porte de l’hôpital, ma collègue m’attendait, elle m’a dit alors : “Tu crois que l’on a le temps d’aller boire un café ?”

J’ai alors répondu avec un sourire:

– Aujourd’hui, je crois tout ce que tu veux ma belle…

©2017/11-Anne Cailloux

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Anne Cailloux

Anne Cailloux (339)

Depuis ma naissance, je fus autodidacte et trop rêveuse.Spécialiste dans l'art thérapie et les maladies neurodégénératives, j’essaie de retenir le temps des autres et du mien.. Quelques diplômes, une passion pour l'art et les poètes. J'ose dormir avec Baudelaire.Je suis une obsédée textuelle . Je peins, je crée et maintenant j’écris. Je remets cent fois mon ouvrage pour me corriger. De quinze fautes par lignes je suis passée à quinze lignes pour une faute... Deux livres en préparation et peut-être un recueil de poèmes, si Dieu veut.Anne
Je suis une junky des mots..

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16 Commentaires
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Invité
25 octobre 2018 11 h 08 min

Un beau récit où on s’imagine la scène très sensuelle de votre regard posé sur cette homme.

Eric de La Brume
Membre
20 septembre 2018 15 h 49 min

Et bien il y a de l’humour là dedans et on peut dire que l’amour de Dieu ne réchauffe pas que les cœurs mais réveille également les sens. Je comprends mieux maintenant pourquoi Marie n’a pas hésité à faire un petit détour pour se rapprocher du très haut. En tous cas, on ne s’ennuie pas en lisant ce texte et il fait monter la température sans période de canicule!

Invité
9 septembre 2018 9 h 31 min

Excellente nouvelle, pleine d’humour, de sensualité et de tendresse. La surprise efface toute discussion, je + ( croix )

LOUPZEN
LOUPZEN
Invité
22 juillet 2018 6 h 34 min

Voici un témoignage sur l’existence du “tout puissant”,et sur les chemins empruntés par le “hasard”….le réveil des sens ,même interdits sont à suivre…seul compte à quelle station avez-vous décidé de descendre de ce voyage infernal (pour le lecteur ). Du grand art divinatoire.

Claumartin
Claumartin
Invité
14 juillet 2018 12 h 33 min

c’est assez coquin, mais si vrai; c’est pour cela que je ne prends plus le bus en partie
Clo

Invité
21 novembre 2017 16 h 51 min

J’ai adoré ce texte sans m’attendre un seul instant à une telle fin. Vous avez dû vivre un grand moment de solitude si cette histoire est vécue…

Invité
14 novembre 2017 18 h 42 min

J’adore Anne !
Situation rencontrée, mais….. un homme de dieu !!!
Trop drôle…
bisous

Chantal