Soixante neuf printemps avaient tinté sur l’horloge de sa vie
elle avait juste caressé ce temps, se disant qu’elle avait toute la vie devant elle.
Aujourd’hui elle se demandait où étaient tous ces millésimes qu’ elle n’avait pas lapé. Chronos avait du lui voler quelques heures, voir quelques saisons. Les aurait-il offert à la voisine d’en face, celle qui avait toujours le sourire, celle qui osait toujours tout, celle qui avait un Mari en or.
Jeanne-marie lui avait dit un jour : Ah, votre mari est en or ? Et bien le mien est en taule et comme le sirocco, il est violent.
Où étaient passés ces moments, ces plages, ces rires entre amis.
Pour elle, le printemps était synonyme d’apéro avec les copains, son mari buvait autant de coups qu’il en donnait. Elle priait Dieu tous les soirs pour qu’il s’endorme sous les effets de l’alcool, parfois, il s’endormait sur elle. Jeanne-Marie n’osait plus bouger, de peur qu’il se réveille. Elle restait ainsi un temps interminable..
Nonobstant, pour la saison des automnes, elle se souvenait quand-même des promenades en forêt avec les enfants, des marrons, mais pas ceux des arbres…
Logiquement l’été, était la saison des fruits, Jeanne-Marie avait sa dose, mais pour elle c’était toute l’année, c’était des pêches quelle prenait en pleine poire, devant tout le monde, parfois elle tombait dans les pommes…
puis un jour il est parti, définitivement rejoindre son créateur, le Diable. Ce fut la cerise sur le ghetto.
10 ans étaient passés.. mais il fallait qu’elle vive à tout prix ces années qu’elle n’avait pas eues, cette fraîcheur qu’on lui avait volé, il n’y avait pas d’autre solution que celle de continuer, pour démontrer qu’elle était vivante et qu’elle avait surtout sa jeunesse à vivre.. Elle avait peur de la mort et cette pseudo jeunesse, retardait celle ci, dut moins, le croyait-elle.
L’ordinateur n’avait aucun secret pour elle, ni les sites de rencontres, c’est pourquoi… Elle s’appelait Svetlana elle avait 23 ans.
Le matin venu, Jeanne-Marie se leva, les douleurs lui rappelaient son âge, sa canne résonna sur le parquet faisant sonner le tocsin, lui rappelant que bientôt, l’heure sera.
Elle tenait sa hanche en boitant, la glace se moquait d’elle, de ses rides autour de sa bouche, lui disant qu’elle n’avait pas 23 ans et surtout pas toutes ses dents. Ses jambes avec ses varices ressemblaient à des cartes routières. Le dentier trônait fièrement dans le verre à dent en souriant ironiquement. Elle regarda ses affaires, sa gaine qui était loin de ressembler au string brésilien qu’elle disait porter sur son blog.. sa vieille robe de chambre en pilou, était pathétique…Elle soupira,
Elle alluma l’ordinateur et se connecta sur son blog. Une superbe blonde apparue en avatar. Elle avait 23 ans et toute ses dents, elle se prénommait Svetlana..
Elle se trouva pathétique et se mit à pleurer.
Puis, un message l’attendait : Je suis venu hier, tu étais où belle blonde ?
Les remords disparurent, elle souriait.
Elle avait de nouveau 23 ans.. et toutes ses dents.
©Anne Cailloux
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Magnifique poème, rien ne vaut la vie, merci Anne, de nous faire ce portrait de notre devenir. Amitiés.
Superbe portrait q cuitaient aussi de la chronique. une fort belle réussite. Bravo et merci pour ce partage…