Rejet moderne de la Tradition : une chance pour la Poésie ? – par Frédéric Matteo

 

S’il est un caractère saillant de la modernité post-révolutionnaire, c’est bien l’opprobre mortel et sans distinction, pour ainsi dire aveugle et enragé, qu’elle a jeté sur les formes traditionnelles de la civilisation, terrain qu’avait abondamment préparé le Siècle des Lumières.

Aussi est-il symptomatique qu’en ce Siècle, en France du moins, où les Lumières connurent leur plus riche essor intellectuel, l’art qui dut souffrir le plus de la critique opérée par la raison contre les institutions de tous ordres de l’Ancien Régime, (de même que sous l’influence de la libéralisation libertine des mœurs opéré par le féminisme de l’époque), fut la Poésie.

A tel point que ce siècle est quasi vide du moindre poète lyrique de haute stature, hormis André Chénier, dans les dernières années, qui dut cependant interrompre précocement sa prometteuse carrière pour honorer son rendez-vous avec la guillotine.

La poésie lyrique d’alors n’était plus qu’une poésie de salon ; elle chantait, dans des vers composés suivant les procédés les plus rhétoriques, (vers oubliés presque aussi vite après avoir parus), les beaux yeux de celle-ci, le teint frais de celle-là, et l’ardeur brûlante et pathétique dont on tâchait de paraître transi, dans l’espérance des faveurs de celle-ci – ou de celle-là.

C’est que les sommités intellectuelles et littéraires du temps ne toléraient pas que le moindre sujet sérieux fut traité autrement qu’en prose. Seul Voltaire, en poète tragique, par ses pièces qui continuaient l’art de Racine, sut faire valoir en son temps des vers de haute tenue. Autrement, l’opprobre était total.

 La Raison d’alors, réduite, en fait, à la seule rationalité matérialiste, (et néanmoins tenue en suprême déité), niait toute forme de digne esprit de conséquence, ou de probité intellectuelle, au sein du discours poétique, ne le reconnaissant qu’à la seule prose, et niait au sentiment la moindre légitimité à légiférer parmi les affaires humaines, n’accordant créance, en cela, outre la rationalité matérialiste, qu’au seul désir, pour autant qu’on y entende désir du ventre.

Aussi, tel est l’esprit qu’incarna au plus haut point la révolution française, période sanguinaire et de terreur, et par là, de néant poétique confinant à l’absolu. A tel point que  la seule œuvre du genre véritablement émergeante, véritablement élevée du temps, fut un texte de chanson que d’aucun connaissent sous le titre de : « La Marseillaise ».

Alors, certes, aujourd’hui, depuis près de trois-quarts de siècle, la barbarie civile et de terreur politique ne sévit plus en France ; mais comment nier que l’esprit de la révolution – primauté sans concession de la raison matérialiste – qui est l‘esprit démocratique par excellence, ne règne encore en maître quasi-absolu dans la société ? Qu’on ne m’objecte pas qu’y échappe le nationalisme, sous prétexte que l’étranger n’est pas considéré comme un « égal » : c’est faux. Le nationalisme moderne contemporain considère les hommes tous égaux – pour autant que chacun vive dans son pays. On peut en rire – moi-même j’en ris – mais il reste que c’est une façon cohérente, logique et rationnelle, de résoudre la question de l’égalité « humaine ». Aussi ce nationalisme revendique-t-il sa légitimité politique non seulement de par une existence statutaire on ne peut plus légale, on ne peut plus conforme aux lois de la République, mais aussi des urnes, où le peuple est appelé à voter, à élire à la stricte majorité des voix, et où nulle voix n’est reconnue avoir plus de valeur qu’une autre. Rien de plus démocratique, donc. Pour autant, on pourrait dire, si l’on a le goût de la formule drolatique – mais néanmoins éloquente – que cette démocratie nationaliste est : « La démocratie dans un seul pays ».

Mais c’est là le genre d’esprit et de limites qui verse le poison le plus mortel qui soit à ce qui se nomme poésie. A défaut de pouvoir l’abattre, comme nous en avons montré l’impossibilité dans l’article précédent, rien ne peut tant lui rogner les ailes et  le cœur, rien ne peut tant lui verser le vin de la débauche populacière.

C’est, à vrai dire, depuis l’ombre tyrannique, quasi universelle, portée par la modernité sur l’art poétique français hérité de la Tradition, art hérité de plus de plus de deux mille ans d’histoire et d’élaboration, art qu’avait porté à son plus haut point de perfection le 17ème siècle  français,  tout ce qui fait qu’aujourd’hui la poésie est devenu proprement un art des Limbes.

On pourrait s’en étonner, et m’objecter : « Mais, le nationalisme dont vous parlez menace seulement ! Depuis Vichy, qui ne dura d’ailleurs guère longtemps, que l’on s’en réjouisse ou non, il ne peut être pour rien de significatif dans la situation de la poésie contemporaine ».

– C’est vrai. Mais, dites-moi : …..

La suite, sur mon blog, en cliquant sur ce lien : https://fredericmatteo.wordpress.com/2017/04/24/rejet-moderne-de-la-tradition-une-chance-pour-la-poesie/

Et bonne lecture !

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