Qu’une étoile se lève au large de la mer
je te la dédierai,
qu’une lune pose sur l’horizon l’orbe rousse des songes
je l’entretiendrai de toi,
que, sous la cendre bleue, le feu couve
et les légendes se mettent à causer, ô mon prince !
Pareil au seigneur, étranger à son empire,
tu descends parmi les saules et les lentilles,
le cours du temps amoureux de la terre noire.
En quelle ère lointaine, inconnue de la mémoire,
es-tu né pour offrir à la postérité ce visage immuable ?
Semblable au potier, tu modèles ta pensée,
pareil à César, tu effaces les traces
des heures trop vite ensevelies sous la poussière.
Au passé, tu refuses cette épopée du deuil
qui tente parmi les ombres un ultime passage,
comme si la mer, amarrée à sa lande,
s’était engagée à la victoire. Mais non, il faut attendre !
Mon prince résolu n’a point encore armé de flotte pour la conquête,
il regarde les ténèbres se faner dans sa main,
rose funèbre, effeuillée, sans parfum.
Est-il trop tôt, est-il trop tard,
pour que la terre, oublieuse de sa genèse,
se libère des entrailles nocturnes qui la tiennent,
dépréciée et sans règne,
et que, dans un sursaut, elle renaisse enfin,
hors de l’espace et hors du temps,
toute d’espérance et délivrée, ô mon prince,
selon ta volonté et selon ta promesse,
prête à appareiller vers le Royaume
accessible seulement à l’esprit ?
J’entends des rumeurs :
des voix nous disent
que le temps a achevé son œuvre.
Ne craignons pas,
tout le fini s’efface. Ce n’est plus l’heure
du doute et de l’effroi.
Quels feux illuminent nos saisons,
quelle brume cache le provisoire à nos yeux ?
Et pourquoi nos paupières seraient-elles lasses,
alors que l’on surprend des rires et des chants,
que pas à pas nous avançons
dans l’ivresse sainte du pardon ?
Armelle Barguillet Hauteloire Extraits de « Profil de la Nuit – Le temps fragile »