Promotion pour solde de tout compte – Christian Satgé

Petite fable affable

Dans une famille de fourmis,
Gens de peu et gens de peines
Pas plus grosses que des graines,
C’est là cette heure presqu’endormie
Où, seuls, on casse la graine
Avant que, pour nombre d’heures pleines,
On se retrouve à la chaîne
Ici, là, sur le domaine.

La plus petite de la tablée,
Quelque peu montée en graine
Hausse le ton et sans gêne,
Fait : « Je suis colère et accablée !
Je suis ta mauvaise graine
Mais, j’en suis sûre et certaine,
Cette injustice est vilaine
Et me file la migraine :
Ce poste était pour toi, maman !
Il n’est, en plaine et garenne,
D’ouvrière qui tant draine
Et jamais ne traîne, à tout moment,
Que toi. Tu serais reine
Si le voulait ma marraine,
Souveraine souterraine,
Qui fait soldat, capitaine,…


- Point trop n’en faut, ma fille ! Est la chef
Celle désignée par Reine
Qui de nos sorts a les rênes !
Sur ce, restons sage et faisons bref.


- Mais comment rester sereine ?
Sans en faire une rengaine,
Cette mondaine à bedaine,
Est désormais, quoique naine !,
Ta supérieure ; Elle, vaine
Au travail et vile avec autrui.
Croquemitaine lointaine,
Rien ne lui va, hautaine,
Car rien ne la vaut, fleur ou fruit !


- Allons ma petite graine,
Point de rancœur ni de haine.
Je resterai en quarantaine
Jusqu’à la prochaine aubaine !


- Oh, fichtre et foutre, mais non, maman !
En société malsaine,
Le mérite est aux fredaines,
Pas au labeur. Et vois donc comment :
Promue sans plus de mitaines,
Qui fait tes besogne et peine ?
Elle, chef, en gants et gaine,
Ne manquera qu’aux fontaines
À eau. Prends-en de la graine ! »

© Christian Satgé – décembre 2014

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
26 novembre 2018 21 h 02 min

Prenez exemple mauvaises graines que vous étés !
très juste comme d’ habitude.
Anne

Invité
26 novembre 2018 13 h 37 min

Elle est bien belle (comme d’habitude !) et bien réaliste cette petite fable. J’en fourmille de plaisir ! Merci pour ce nouveau partage. Amicalement.