Mon ami, mon frère,
nous passerons le pont,
traverserons la ville,
l’un et l’autre plus unis
que nous l’étions jadis,
Notre-Dame si belle, posée à nos côtés,
auprès du fleuve lent
qui lie et qui délie sa façade paisible.
Passagers d’un moment,
oui, qu’étions-nous hier,
que serons-nous demain,
dans l’étreinte puissante
des choses ordonnées,
autour du lieu visible
où vont se fracasser
les heures de nos vies ?
Nous voici si nombreux
contemplant dans la pierre
une aurore lointaine.
Tant d’heures se sont gravées
sous le burin des hommes
que le temps, soudain,
s’est figé à jamais.
C’est alors que des flammes
se mirent à crépiter
dans la haute voilure du bateau amiral
et que, saisi d’effroi,
et, pire, de désarroi,
un peuple vit sous ses yeux
la flèche sublime s’abîmer dans le feu.
Ô mon frère, mon ami,
nos cœurs sont affligés, nos esprits égarés,
qu’avons-nous laissé faire, qu’avons-nous laissé dire,
pour que sombre d’un coup tout un pan du passé ?
Reconstruire, pourquoi pas, mais de quelle manière
réanimer la pierre, réveiller la lumière,
et de nos faibles mains recréer le mystère ?
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE