Poésie : quel possible apprentissage ? – par Frédéric Matteo

On entend souvent dire : « La Poésie, c’est un don inné ; tu l’as, ou tu ne l’as pas. » Proposition à laquelle  beaucoup acquiescent comme si la chose était une évidence si imposante qu’il serait vain d’y opposer la moindre objection.

Pourtant, sa fausseté apparaît claire au moindre coup d’œil tant soit peu sérieux qu’on jette dessus.

Pour autant que la poésie est, non pas « art », (ce serait déjà sortir de l‘artillerie beaucoup trop lourde pour régler le sort d’un jugement aussi superficiel), mais seulement « magie », spontanéité charmante du verbe, une seule question : qui d’entre nous est-il né déjà doué de la parole ? Qui n’a pas du apprendre le seul fait de parler ? Et je ne parle de parler en images, et d’approfondir le sens des mots en jouant sur leur rythme et leur sonorité, et moins encore  d’écrire ! Le simple fait de reconnaître que nul n’a pu échapper à se livrer à de premiers balbutiements langagiers avant d’être en mesure de prononcer la moindre phrase claire et construite suffit pour battre en brèche cette idée d’un don « inné », miraculeux de poésie dans l’âme de certains, et non dans d’autres.

De même ne portons-nous pas, en venant au monde, la vocation de poète ; celle-ci naît à la faveur d’événements et de rencontres qui peuvent survenir très tôt dans la vie d’un individu, mais parfois à un âge beaucoup plus avancé, et qui, dans l’absolu, auraient pu ne pas se produire.

Ainsi peut-il devenir d’un intérêt hautement vital pour quelqu’un d’investir le champ de la parole poétique, et cela,  dans le même temps que celui-ci se trouve démuni de la moindre aisance verbale et littéraire, malgré son désir et sa sensibilité désormais crûment à vifs.

C’est alors que la question de l’apprentissage se pose de façon tragique, et c’est pour ceux à qui cette question se pose ainsi, que je parle avant tout.

Car voilà : à l’égard de l’enseignement, la Poésie, au rebours de toutes les autres formes d’art, jouit d’un statut particulier, et aujourd’hui plus que jamais : aucune école institutionnalisée, même dans le privé, ne lui est dédiée. Aucune méthode d’apprentissage ne nous a été clairement léguée. Aucun Maître n’enseigne.

En résumé, le poète, pour étudier sa matière, les techniques y afférant, est tout bonnement livré au hasard des rencontres, et à lui-même ! Et qui sait sur quels mauvais chemins, ou dans quels culs-de-sacs, ignorance, solitude, et inexpérience le jetteront ! Qui sait les faux pas qu’il commettra et dont il ne tirera aucun enseignement ! Qui sait les mauvais conseils qui lui seront prodigués, les pressions dévoyées qu’il subira, de la part, notamment, d’idéologues avides de puissance, qui le sauront tenus sous le joug de son naïf, mais fondamental, désir de plaire – et qui sait les vaines autorités auxquelles il se soumettra, mû qu’il sera, en novice, par son besoin de s’en référer à quelque haute puissance légitimante !

A cause de cela, de fait, ainsi qu’en raison de l’opprobre général, quasi universel, jeté en notre ère par la raison matérialiste sur les prétentions suprêmes de la Poésie (voir article précédent), rien n’est plus improbable aujourd’hui que l’émergence d’une haute figure poétique parmi nous – aucune ère civilisationnelle, même, n’a jamais su si bien rendre improbable un tel surgissement.

Pourtant, il est un chemin […] Merci de m’avoir suivi jusque là –  La suite sur mon blog en cliquant ici.

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