On ne mange pas le diable sans en avaler les cornes* – Christian Satgé

 
Petite fable affable d’après un  vieux proverbe (*)

Le ciel a mis son bleu de chauffe
Mais dans les feuilles dort la nuit.
Tout est calme jusqu’à l’ennui
Qui a lancé, ici, sa bauffe.
Dans le vieux manoir moisissant
D’un ancien marquis mollissant
Le Diable, en goguette, s’invite,
Lui que, d’ordinaire, on évite.

Satan sait que le vieux du lieu
Se voudrait bien vivre, mon Dieu !,
Comme une seconde jeunesse
Indécente avec la bougresse
Vivant là sans deux sous dessus
Et, bien mieux, sans dessous dessus.
Le cornu lui bailla pastilles
Pour que se rendît sa Bastille…

Mais Lucifer, est un croquant
Pour qui il n’est rien de choquant :
Le barbon eut la jouvencelle
Qui ne joua mie la pucelle
Et s’éreinta tant en ardeurs
Qu’en fins lambeaux feue sa grandeur
Et sa jugeote s’estompèrent.
Vite il devint le seul mendiant
De ces charmes obsédants.

Il épousa devant Satan,
Quoiqu’il aurait pu, on l’entend,
Être bien plus que son grand-père,
La drôlette en leur doux repaire :
La noce le fit édenté ;
La nuit épuisa sa santé !
Le matin le trouva à terre
Et moins que fini : grabataire !

Sous ses yeux même, dans son lit,
Elle s’adonne au doux délit.
Désormais, la jeune marquise
Lui fait porter, à tout sa guise,
Des cornes qui feraient rougir
Le Démon, sans prou s’assagir.
Le vieux en appela au Diable
Qui vint lui, toujours sociable.

Devant ses récriminations
Et sa peur de la damnation,
L’Infernal lui fit : « C’est dommage
De n’avoir pas su, à ton âge,
Qu’à vivre selon le Plaisir,
Qu’à ne suivre que ses désirs,
On finit par rendre les armes
Et, sens dessus dessous, en larmes ! »
 
 
© Christian Satgé – avril 2015

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
29 avril 2018 13 h 28 min

Que j’aime vos fables..
J’ai souvent pris le diable par les cornes par mes mots naturellement
Vos écrits me plonge souvent dans un autre monde
celui des animaux..; Quoi que, nous ne sommes pas si loin;;
merci à vous Christian.
amitiés
Anne

Plume de Poète
Administrateur
15 mai 2017 8 h 14 min

Merci Christian pour vos belles fables qui fleurissent sur le site et les espaces Plume de Poète.
Nous apprécions beaucoup vos textes et vos partages !
Bonne continuation amplifiée de mes amitiés poétiques.
Alain