Certain destins revêtent
Une dimension intemporelle
Et certaines épreuves
Une portée universelle.
Rien n’est purement accidentel !
” Ma vue porte à jamais l’empreinte indélébile de cet éblouissement subitement déchiré par le profil acéré d’un silex, me privant à jamais des rais bienfaisants de l’astre divin.
La chape d’ocre qui devait occulter ma présence s’est muée aux yeux du monde, et pour l’éternité, en un cairn vénéré comme l’autel de tous les martyrs.
Mon œil pourfendu jusqu’à la substance vitale gisant dans le secret de mes ossements s’est ouvert sur l’invisible et mon regard traverse désormais tous les obstacles tant matériels que temporels.
Ô mort, où est ta victoire ? Ô mon frère, où se trouve ta vengeance ?
Toutes les têtes de mon vaste troupeau que tu jalousais avec tant d’acharnement m’ont rejoint dans le royaume des ombres, répondant à l’appel d’outre-tombe de leur seigneur et maître.
Mais le venin qui coulait dans tes veines, je l’ai vu à l’œuvre dans le cycle funeste qui frappa tes rejetons qui se sont immolés les uns les autres. Tous subirent l’identique supplice sur la pierre- même que tu avais dressée au dessus de moi pour me plonger dans l’oubli.
Seul mon regard ne put s’en échapper car il avait hérité, à son insu, d’une mission de témoignage devant les hommes et les dieux.
Mon sang coula dans les veines d’Isaac le Juste, mon cœur battit dans la poitrine de Judas Macchabée, chacun de mes viscères fut transpercé par les glaives romains dans le corps des innocents de Judée et de Galilée. Ma langue s’imbiba de l’infâme vinaigre sur le Golgotha, ma voix cria vengeance par la bouche de chaque compagnon de Spartacus déchiré en lambeaux sous les dents des fauves affamés dans l’arène écarlate, mes os crissèrent sous la question.
Au fur et à mesure que tes germes contaminaient l’humanité, mon corps se disloquait jusqu’à se démultiplier à l’infini dans celui de tes victimes insidieusement élues. Ma main parvint à déjouer le maléfice, le temps de m’emparer de celle du seul poète qui osa me rendre hommage en me faisant entrer dans ce qu’on ne pouvait nommer que la Légende des siècles.
Mon nom resta Légende aussi longtemps que mon esprit ne put prendre possession de celui d’un homme à ma ressemblance, intègre, courageux et assoiffé de vérité historique, pour nous guider jusqu’à ma sépulture.
Après tant de siècles, je n’ose imaginer ce qu’a pu produire la rencontre des deux Abel.
Nos deux mémoires se sont fondues en une seule et je ne sais ni si la créature nouvelle sera viable ni si elle sera en mesure de témoigner du périple du premier Abel
depuis l’aube des temps.”
” Le professeur ouvre les yeux ” murmura l’interne dans la pénombre du bloc de réanimation.
” Nous n’avons, hélas, pu sauver son assistant pour apprendre quel étrange phénomène a pu se produire lors du dégagement des ossements prisonniers du cairn primitif au pied du Sinaï.”.
” Regardez ” ordonna l’infirmière, ” il essaye de nous dire quelque chose ! “
Mais les lambeaux de phrases qui s’échappèrent de la bouche du célèbre archéologue moribond ressemblaient en tous points à ce qui a semblé un étrange délire ininterrompu durant un coma aussi inexpliqué qu’interminable.
L’enregistrement de ce cauchemar fleuve, aux accents archaïques, n’a jamais pu être déchiffré.
Cette forme d’expression semblerait échapper à toute grille connue de décryptage, au dire des plus éminents spécialistes des langues premières.
N.B : le titre renvoie aux paroles de la chanson Mourir du premier album de Maxime Leforestier dans lequel on entend “faire la nique à la mort”.
Très beau et émouvant
J’aime votre écriture belle plume
Merci Jean-Marie pour tous les partages que vous publiez sur le site et que nous apprécions tous !
Je suis un peu embêté avec le titre de votre texte…serait il possible de changer le premier mot…
Désolé du désagrément mais j’ai peur de choquer certaines âmes sensibles sur le site…
Mes amitiés poétiques,
ALain