Mémoires, pages 40 à 42 / 311, par Dominique Capo

La seconde librairie que j’ai visité, j’y avais davantage mes habitudes que celle où ma mère m’a offert ma première boite de l’œil Noir. Elle se situait non loin de l’arrêt de bus proche du lycée. Mais je devais longer plusieurs avenues avant d’y arriver. Je m’y rendais une fois par semaine. Puis, je me dirigeais vers l’édifice où je devais passer ma journée à étudier.

J’y entrais, saluant le propriétaire au passage. Je m’avançais vers le fond de la boutique. Je suivais du regard les présentoirs sur lesquels étaient habituellement disposés les livres dont vous êtes le héros. A force d’y venir, j’en connaissais l’emplacement. Mon regard se fixait automatiquement sur eux. Il déchiffrait leurs titres. Et je devinais presque systématiquement, instinctivement, si des inédits y avaient été ajoutés. Quant aux fois où je n’en distinguais pas, ou lorsque je n’étais pas sûr d’avoir bien vu, je questionnais le vendeur. Et celui-ci m’informais des derniers arrivages… ou pas.

Mais la plupart du temps, j’y ai découvert des inédits. C’est là que j’ai acheté une bonne moitié des livres dont vous êtes le héros que je détiens toujours. Parmi eux, quelques uns des textes apparentés à l’univers de l’œil Noir. Beaucoup dans le prolongement de la collection « Défis Fantastiques ». Il faut expliquer que c’est la plus développée, avec sa cinquantaine de volumes au minimum. D’autres encore issus des séries « la Voie du Tigre », « les Messagers du Temps » ou « Sherlock Holmes ».

C’est toujours là que j’ai eu connaissance que d’autres éditeurs, tels que « Presse Pocket » ou « le Livre de Poche », avaient profité de leur succès de plus en plus grand pour en publier à leur tour. Ainsi sont parus les « Histoires à jouer » dont les thème étaient élaborés à partir d’épisodes de l’Histoire de France ou du Monde. De la Préhistoire aux Trois Mousquetaires, de l’Époque Celte à la Révolution Française, ils exploraient leurs richesses et leurs diversités au cours d’aventures périlleuses. C’était une excellente manière de faire aimer cette matière à ceux qui ne l’appréciaient pas. Sont également parus des récits où le lecteur était transporté dans un épisode de la « Quatrième dimension » ou de James Bond. Les sujets étaient de plus en plus diversifiés, et j’en était très heureux.

L’une des série – malheureusement restée inachevée à ce jour, mais qui devait normalement compter huit volumes – qui m’a le plus enthousiasmé, se nommait « La Saga du Prêtre Jean ». Elle contait les péripéties d’un Chevalier du Temple – le lecteur donc – au cours des Croisades qui partait à la recherche de la mythique cité de Shangri-la. Après avoir affronté le Vieux de la Montagne et sa secte « d’Ashashims » – qui donnera le terme « d’Assassins », c’est véridique -, il était propulsé à travers l’espace et le temps pour mener sa quête à bien. Il se retrouvait chez les Pharaons, chez le roi Salomon, ou en Inde. Cette série s’est interrompue au volume cinq, et c’est dommage, car c’était l’une de celles qui m’avait le plus plu.

Cette fois encore, c’est le hasard qui m’a mis sur sa route. J’étais dans une supérette de quartier avec ma mère pour y prendre deux ou trois bricoles de courses. Nous y étions allé en coup de vent, comme lorsque quand on se souvient qu’on a oublié quelque chose sur la liste avant de rentrer chez soi. Mais comme j’étais – je suis – un insatiable curieux et que je ne pouvais m’empêcher de parcourir le rayon librairie de n’importe quelle grande ou petite surface – petite en l’occurrence -, j’ai pris une ou deux minutes pour l’explorer, n’y ayant jamais mis les pieds ; je n’y suis jamais revenu ensuite. Quelle n’a donc pas été ma surprise lorsque j’ai aperçu un frontispice me rappelant celui des livres dont vous êtes le héros habituels. Au début, j’ai supposé que c’était une coïncidence troublante, mais qu’en fait, il s’agissait d’un roman tout à fait ordinaire. C’est seulement lorsque je l’ai examiné de plus près et que j’y ai vu inscrit « Maitre du Jeu », que je l’ai feuilleté rapidement, et que j’ai reconnu les paragraphes numérotés qui font toute l’originalité du découpage littéraire de ces derniers.

J’ai aussitôt imploré, ma mère pour qu’elle m’offre les deux titres disponibles. Je lui ai promis monts et merveilles si elle accédait à ma supplication. Et j’ai réussi à l’attendrir. Elle m’en a donc fait cadeau.

Avec le recul, lorsque je me remémore mes agissements dans le but de me procurer ces livres dont vous êtes le héros, je ne suis pas toujours digne de louanges. Comme je l’ai déjà dit, j’ai mis mes grands-parents à contribution lorsque nous allions au supermarché. Ma mère m’en a payé quelques uns. Celle-ci a, du mieux qu’elle a pu, toujours essayé de me faire plaisir lorsqu’elle le pouvait. Ce n’était pas souvent le cas, loin de là. Non pas qu’elle ne l’aurait pas désiré. Mais ses finances étaient limitées puisque mon père ne lui donnait pas accès aux comptes en banque du couple. Je suis malgré tout convaincu aujourd’hui encore qu’elle a fait son maximum.

A suivre…

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