Mémoires, pages 38 à 40 / 311, par Dominique Capo

De fait, je quittais la maison aux alentours de 7h30 le matin. Je rejoignais l’arrêt du car. A l’horaire prévu, j’y montais. Je m’y installais pour environ une demi-heure de trajet. Généralement, j’y écoutais de la musique sur mon walkman que J’avais enregistré. C’était très artisanal, j’en conviens. Les cassettes étaient parsemées de grésillements et le son était loin d’être parfait. Mais je m’en contentais ; là n’était pas ma priorité. Celle-ci était de me reposer encore un peu avant d’être confronté au grand rush de l’arrivée au lycée.

Et avant cela, j’étais obligé de parcourir à pieds un itinéraire bien précis. Deux ou trois kilomètres de rues séparaient l’arrêt de car et le lycée. Or, à force de les sillonner, j’ai fini par en connaître tous les immeubles. J’ai su où était installée telle boulangerie, tel bar-tabac, telle boucherie, tel vidéoclub, etc. Mais de toutes ces échoppes, aucune n’a attisé ma curiosité. Les seules devant lesquelles je me suis aventuré avec exaltation étaient des librairies. Eh oui, encore et toujours !

En fait, il en a existé deux principales que j’ai fréquenté assez régulièrement. La première étais positionnée à quelques dizaines de mètres de l’arrêt de car non loin de chez moi. Il me suffisait de longer le trottoir durant cinq minutes à peu près, de traverser la rue. Puis, j’entrais dans une sorte de galerie commerciale à ciel ouvert. Je la revois encore : d’un coté, il y avait un salon de coiffure. Suivait ensuite la librairie, un lavomatique peut-être. Et en face, de tout son long s’étalait une supérette et un magasin de vêtements dont mes parents connaissaient les propriétaires. Ils participaient avec eux à l’association de parents d’élèves qui suivait avec assiduité les gamins de la maternelle et de l’école primaire où mon cadet allait.

Je ne me suis pas rendu très souvent dans cette librairie. Une ou deux fois par mois à peu près. Ma mère m’y envoyait parfois quand elle manquait de pain ou d’autre chose. C’était l’occasion pour y faire un détour. J’y étudiais ses rayonnages avec attention. J’y cherchais les livres dont vous êtes le héros les plus récents. C’était rare. Lorsque ça arrivait et que je n’avais pas assez d’argent de poche sur moi pour les acheter immédiatement, je suppliais le vendeur qu’il me les mette de coté. Et celui-ci ne faisait aucune difficulté ; d’autant que c’était dans sa librairie que je me procurais les Bandes-Dessinées Marvel ou DC Comics dont j’étais friand.

C’est aussi là que, pour de l’un de mes anniversaires, ma mère m’a offert une boite de livre-jeu dérivée des livres dont vous êtes le héros. Elle se nommait « l’œil Noir ». Et sur son fronton était inscrit en grosses lettres : « Un jeu dont vous êtes le Héros ». C’est toujours là qu’elle m’a payé deux ouvrages nommés « Encyclopédie Galactique ». Ces derniers était le complément d’un autre livre-jeu intitulé « Empire Galactique. Je m’y étais plongé après les avoir acquis quelques mois auparavant, sans réellement comprendre de quoi il retournait. Et, sans réaliser que c’était un jeu de rôles, je l’ai très vite laissé dans un coin de ma bibliothèque.

Je ne le savais pas, ça été une intrusion fugitive dans le milieu des jeux de rôles. Sauf qu’à l’époque, je n’avais pas entendu parler de jeux de rôles. Je ne savais même pas ce que signifiait ce terme. Je n’imaginais pas à quel point ils allaient, des années plus tard, conduire mon existence dans une direction totalement différente de celle que je pensais emprunter.

Plusieurs autres coffrets de l’œil Noir ont été édités dans la foulée. Ils contenaient des suppléments aux « règles de base ». Alors que j’écris ces lignes, dans le bureau de mon appartement, un alignement d’étagères apparaît le long de son mur gauche. Sur deux niveaux, longeant un fragment assez conséquent de la paroi juste à coté de la porte, contiennent l’ensemble des collections de livres dont vous êtes le héros que j’ai accumulé au cours de ces années. Et parmi eux se distinguent les fascicules issus du monde de l’œil Noir. Il y en a plusieurs évoquant ses préceptes. Il y en a d’autres décrivant l’Aventurie, le continent imaginaire où ses scénarios se fabriquent. Il y en a encore pour les monstres, leur habitat, leurs points de compétences.

A suivre…

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