Mémoires, pages 18 à 20 / 311, par Dominique Capo

Je n’ai pas vu les choses sous cet angle, bien entendu. Ce qui était le plus important pour moi à ce moment là, c’est qu’ils puissent m’offrir le jeu dont j’avais envie. Je n’ai pas imaginé les implications familiales et les conflits latents que cette générosité plus ou moins calculée a engendré. J’étais loin de tout cela, moi qui vivait la plupart du temps reclus dans ma chambre avec mes quantités phénoménales de Legos, ou mes amoncellements de Playmobils dans le jardin. Ils m’ont permis de m’évader d’une sphère scolaire qui s’apparentait de plus en plus à un Enfer. Ils m’ont éloigné de dissensions grandissantes entre mon père et ma mère. Et, surtout, ils m’ont servi de support à un imaginaire personnel de plus en plus riche qui ne demandait qu’à s’exprimer.

Il est étrange comme certains souvenirs s’impriment en vous. Ceux-ci, comme les précédents que j’ai relaté jusque là pour expliquer le contexte de ma vie à cette époque appartiennent à cette catégorie.

Je suis conscient que je me suis peut-être trop longuement étendu sur mon environnement personnel de ces années charnière de mon existence. Mais il révèle d’innombrables choses qui sont à l’origine de l’homme que je suis aujourd’hui. Je suis convaincu que si je n’y avait pas été confronté, que si je ne les avait pas reçu aussi violemment jusqu’à ébranler les fondations de ma personnalité d’alors, tout ce qui a suivi ne serait jamais advenu. Et ne pas les avoir détaillé avant d’aller plus loin ne vous aurait pas permis, cher lecteur, chère lectrice, de cerner les conditions dans lesquelles j’étais plongé au cours de cette période. Vous n’auriez pas appréhendé à quel point les bouleversements que je vais décrire maintenant ont transformé ma vie.

Aussi, le jour où mon père est entré dans ma chambre, il était chargé de livres qu’il avait ramené du Ministère de l’Intérieur. Il m’a aussitôt demandé de dégager certaines de mes étagères pour qu’il puisse les y entreposer. J’ai immédiatement obtempéré. J’ai rapidement vidé celles installées dans l’angle situé juste à coté de la porte. Je me souviens encore de ce petit renfoncement que mon père avait transformé en étagères après notre installation dans ce pavillon qui était alors dans un état de délabrement avancé. La première fois que nous avons voulu y pénétrer, en 1980, mon père a dégagé un passage entre le porche en fer forgé rouillé menant à la rue et la porte du bâtiment à coups de machette. Ce jour-là, on se serait cru dans un film « d’Indiana Jones », tellement les herbes et les branchages encombrant le jardinet y conduisant étaient hauts et touffus. Et il a fallu à peu près une dizaine d’années de travaux incessants pour que la demeure retrouve un aspect convenable.

Même si lorsque mes parents ont à nouveau déménagé en 1991 pour s’expatrier de la région parisienne à la Sarthe la bâtisse n’était pas entièrement rénovée, le plus gros avait été fait. Et l’un des premiers chantiers que mon père a entrepris, c’est la réhabilitation complète de l’étage ; c’est à dire, là où existaient nos chambres, à mon père et à ma mère, à mon frère, à ma sœur, et à moi. Ces premiers aménagements d’envergure ont été mis en place aussitôt après l’achat de la maison, et alors que nous vivions toujours en appartement dans une autre ville de la banlieue parisienne non loin de cette dernière. Ils étaient les plus urgents afin que nous puissions nous y établir définitivement. Les suivants, éparpillés dans les endroits les plus divers, se sont étendus tout le long des années suivantes à un rythme un peu moins soutenu.

A suivre…

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