Mémoires, pages 1 à 3 / 312 – Dominique Capo

C‘est étrange comme la vie peux parfois vous mener dans des directions auxquelles vous n’auriez jamais songé par vous-même. Est-ce le Destin, le hasard, Dieu, qui vous guide sur tel ou tel sentier capable de bouleverser votre existence pour longtemps ? Moi-même, je n’aurai imaginé devenir écrivain si un jour de ma préadolescence, un fait anodin à première vue, ne l’avait modifiée profondément.

Car, comment aurais-je pu deviner qu’en lisant mon premier livre dont vous êtes le héros, celui-ci me mènerait au monde des jeux de rôles ; que les jeux de rôles me pousseraient à écrire des scénarios, puis de petites nouvelles. Et que, finalement, l’écriture de nouvelles, de poèmes, de textes, me conduirait à rédiger mes premiers romans ; jusqu’à ce que cet exercice devienne ma principale activité. Qu’elle devienne bien plus qu’une passion : un besoin vital, viscéral aussi essentiel que la nécessité que le besoin que nous avons de manger, de dormir, de boire.

Pourtant, paradoxalement, c’est à l’aube de ce que j’appelle « mes Années Noires » que cet événement s’est produit. A l’époque en effet, je découvrais à peine à quel point la cruauté de mes camarades envers moi pouvait atteindre des sommets. A quel point chaque jour pouvait s’avérer être un Enfer pour quelqu’un comme moi ; autant différent par mon aspect – ma tâche de naissance sur un bon tiers de la partie gauche de mon visage accompagnée de ma légère hémiplégie du coté droit de mon corps – que par ma timidité ou mon repli systématique.

Je me souviens encore qu’au début, ce n’était qu’un seul de mes camarades de classe dont j’étais la « tête de turc ». Mais, au fur et à mesure des mois et des années de collège, beaucoup d’autres se sont joint à lui. Puis, finalement, c’est de l’ensemble de mes camarades de classe dont j’ai été le « souffre-douleur ».

Je me rappelle de ces regards qu’ils me lançaient à chaque fois qu’ils avaient l’occasion de me croiser dans les couloirs du collège. Je me remémore leurs grimaces, leurs rires, leurs mots remplis de moqueries ou de dédain. Comme si j’étais une créature difforme, sans âme, qu’ils avaient le droit de malmener à leur gré, de bousculer continuellement. Je revois lorsqu’ils s’essuyaient les mains qui m’avaient malencontreusement frôlé, de peur que je sois le porteur d’une maladie incurable susceptible de les salir. Et puis, leurs termes, « mongol », « tombéééééééé » ou « capot de voiture » lié à mon nom de famille qu’ils répétaient sans cesse quand j’avais le malheur de les approcher. Ou, en classe, isolé dans mon coin afin de ne pas subir leur vindicte, lorsqu’ils s’en prenaient à mon matériel de cours qu’ils se lançaient les uns aux autres comme un ballon de basket-ball dès que le professeur avait le dos tourné. Je me remémore en particulier un jour où ils s’étaient amusé avec la trousse dans laquelle je rangeais mes stylos. Puisque nous étions au printemps, la fenêtre de classe était largement ouverte. Ils ont fini par la jeter au travers de celle-ci et elle a atterri dans la cour. L’ensemble de mes camarades de classe se sont dès lors esclaffé tandis que mon visage prenait un teint cendreux.

Je passerai rapidement sur mon isolement au moment des repas alors qu’autour de moi rires et discussions enflammées se propageaient. Je n’insisterai pas sur le nombre de fois où, revenant de la cantine, certains attendaient – une fois encore – que le professeur soit concentré sur le tableau, afin de me jeter des morceaux de camembert à la figure. Je ferai l’impasse sur les récréations, au cours desquelles ils me faisaient des croche-pieds. Je perdais alors l’équilibre et je m’écroulais lamentablement devant eux sous leurs quolibets. Ou encore, lorsqu’ils m’interdisaient de se joindre à leur groupe, sous peine de me faire insulter ou d’être physiquement harcelé.

Évidemment, aucun d’eux ne venait m’aider lorsque j’étais incapable d’accomplir des tâches que mon hémiplégie du coté droit m’empêchait de mener à bien. Au contraire, me voir peiner, en proie à la souffrance qui résultait de cet effort physique allant au-delà de mes capacités était pour eux source de moqueries et de gloussements.

Chaque jour, ils inventaient de nouveaux moyens, pour s’en prendre à moi. Je ne me souviens pas d’un jour où ils m’aient laissé en paix.

A suivre

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Khadija Elbahar (plume de marin)
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13 juillet 2017 17 h 19 min

j’ai le plaisir de lire a notre grand Dominique capot, franchement il ‘a pris mon imagination de tout détaille et de toute souffrance .je dis bravo a ce grand monsieur.