Mariage d’un autre âge – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Un hobereau, de haute lignée 
Mais, las, de bien moindres pécunes,
Sur les écus d’un bourgeois guignait.
Con à souhaits mais cousu de tunes, 
Ce roturier-là plus nigaud
Que ribaud, vivait tout en esbroufe
Passant lors à tire-larigot
Pour un bouffon bouffi, une couffe
Aisée à léser. Il aspirait
À marier sa fille, un peu raide,
Au-dessus de son état sans l’aide
D’une entremetteuse au teint ciré…
 
Si le seigneur s’enquit de « la Belle »,
Le négociant le fit du nom
Du titre et du rang, blanches chandelles
Valant moins que bougies et renom
Plus qu’argent comptant. La demoiselle
Connivente à l’infâme bargouin,
Avait vu déjà le loup, oiselle,
Et toute sa meute avec au moins.
Qu’importe : ce qui est, en ce monde,
Compte moins que ce que l’autre croit
Être, que l’on soit manant ou roi.
Ainsi des bonnes gens va la ronde…
 
Engagement pris, notarié,
On put se mettre si tôt à la noce,
Union d’un titre avarié
Et de subsides nées du négoce.
Il fallut quand même des amen,
– Des épingles à la cathédrale,
Des épices aux jurats – et l’hymen
Fut validé, sans nulle autre forme
De procès, chaque partie tenant
Ce qu’elle souhaitait en menant
Son marchandage selon ses normes…
 
Et chacun en sortit fort content :
Le père put afficher l’austère
Mine de qui compte aussi son temps,
Le mari s’occupait de ses terres,
De relever son château fort,…
L’épousée, négligée, fut volage
Comme il seyait à une Dame alors.
On se gaussa fort de ces « milords » 
Et de leurs grands airs en leur village.
 
Mais peut leur chaulait, en fin de conte
Puisqu’à leurs fins bien arrivés
Aucun d’eux n’eut plus déboires ni honte,
Pouvant à chacun son clou river…
Le hobereau fit une entrée remarquable 
À la Cour, sa femme dans le lit
Du Roi et le marchand critiquable
Acheta une charge qui l’anoblit :
Si l’appétit vient en mangeant,
L’ambition, ma foi, elle, arrive
Avec la réussite et ses agents !
 
© Christian Satgé – avril 2019

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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6 Commentaires
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Invité
24 septembre 2019 14 h 55 min

Merci pour cette fable bien tournée, mais qui finalement n’en est pas une : cette pratique étant toujours d’actualité, hélas. A bientôt Christian, car vous avez l’imagination si fertile, Bravo encore !

OberLenon
OberLenon
Invité
23 septembre 2019 15 h 06 min

De la haute voltige. On se délecte à lire vos fables.

Brahim Boumedien
Membre
23 septembre 2019 14 h 40 min

Merci pour ce partage qui n’est pas tellement d’un autre âge ! Les spécimens” de nos jours, ne sont pas plus sages !