Ma nostalgie à moi – Christian Satgé

Je chantais, sur un ton d’autrefois,
L’hier des « il était une fois… ».
Seul. J’ai du fuir, de guerre lasse,
Ces lieux où les hommes s’entassent 
Pour faire cité en les laissant
À leur tohu-bohu incessant
Et à leur cécité éternelle,
J’ai pris la sente vers les brunelles,
Les narcisses et les coquelicots,…
Bref, vers la campagne et ses échos.
 
Et, voulant échapper au désastre 
D’âmes tremblantes se voulant astres,
Loin des nues du progrès 
Des limbes de la modernité,
Sans fin, je m’abreuve à La Fontaine
Cours les muses ou, pis, la prétentaine,
Jusqu’à plus soif croque le portrait
Des bêtes, des hommes sous leurs traits
Les plus noirs en leur vie oscillante,
En y cherchant sagesse insolente.
 
Me voilà comme nef échouée 
Sur la rive d’un rêve enjoué,
Ou comme vaisseau qu’immobilisent
Les cieux incléments qui, traîtrise,
Refusent d’en gonfler le gréement
Conscient que chacun des moments 
Que je vis aux vents, je les vole, ivre
Comme prisonnier qu’on délivre,
À mon temps, à mes contemporains
Si inflexibles en leur foi d’airain.
 
J’avance. Pas dans les pas d’un autre,
Refusant lors d’être votre apôtre,
Avalant des cris qui m’ont étranglé,
Pétri d’impuissance, sanglé
De rimes et bottés de vers, mornifles
À vos certitudes quand gifle
L’aube m’offrant pour toute repue
Et pitance cet air qui me pue,
Venu en droite ligne de villes
Qui vous ont vite rendus serviles.
 
Ce souffle noie les cris de la nuit, 
Tombe ouverte sur tout votre ennui,
Enterre les peines souterraines
Et occulte les fées souveraines. 
Hier, nous étions troubadours,
Nous délectant de chansons d’amour…
À dire mon siècle d’abysses,
Abîme de « l’instant », dès l’esquisse
Du jour, lors, je m’attache aussitôt
En fais ligne d’horizon tantôt.
 
© Christian Satgé – avril 2019

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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