“Lou Poutet” – Marie Combernoux

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LOU « POUTET » (le poutou)

1962- Caussade – Un dimanche de Printemps

Ce matin là, il y a dans l’air des senteurs nouvelles, odeur de lilas éclos et du lys dans le jardin, odeur de la terre qui se réchauffe en libérant des volutes de fumée , de l’herbe mouillée par la fraîcheur de la nuit. Le Soleil paresseux se réveille à peine. Tout près, un coq chante déjà à tue tête, les poules lui donnent la réplique et les oies commencent leur caquetage.

Ce n’est pas un jour ordinaire, c’est Dimanche . L’air n’est pas le même que d’habitude et comme tous les dimanches, l’atmosphère a un parfum sacré.

Dans la maisonnée, la famille se prépare pour l’incontournable Grand Messe.

Alice, ma grand-mère, s’affaire à ajuster son corset autour des ses reins, carcan abominable, ancêtre de la gaine, farci de crochets malaisés à agrafer.

Elle passe ensuite sa robe du dimanche, invariablement grise ou noire, qu’elle range dans la grande armoire ancestrale pendant la semaine. Sur ses cheveux gris relevés en chignon, elle pose son éternel chapeau piqué d’une perle nacrée.

Ce jour là, point de tablier, une robe sombre ornée d’une broche brillante, cadeau de ses noces, seule fantaisie qu’elle s’accorde. Elle prend son sac à main où elle range toutes sortes de « bondieuseries » : son Missel, son chapelet qui lui vient de Lourdes, des images pieuses, un sou pour la quête et quelques bonbons pour éviter de tousser durant l’office.

Mon grand-père aussi s’affaire et met, non sans « rouméguer» sa belle chemise blanche qui lui serre le cou. Le dernier bouton est toujours source de conflit pour lequel ma grand-mère doit intervenir.

Ils sont là, dans cette chambre qui a vu leur amour de jeunesse, plantés devant l’armoire à glace, face à face et se parlent en patois en se hâtant.

Tout à coup,dans un élan inattendu, ma grand-mère se rapproche de son époux et lui dit au creux de l’oreille :

« Gabriel, fa mé un poutet »

Gabriel, très gêné de cette soudaine manifestation de tendresse, lui répond surpris:

« Mais Alice, qué vol ? »

Elle redit : « Fa mé un poutet » !!

Alors, Gabriel, tordant la bouche, avec une horrible grimace, lui fait un « poutet » sonore sur la joue…

****

Le Soleil est maintenant haut dans le ciel, les animaux de basse cour ont fini leur reveil en fanfare, les cloches de l’église se sont mises à sonner. Les gens endimanchés commençent à se hâter vers le village.

C’est le début d’un beau dimanche de printemps où la nature fait corps avec les créatures du Bon Dieu.

 

©Marie Combernoux

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Marie Combernoux

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je ne suis plus une jeunette, je suis née le 3 Avril 195....et quelque, j'ai été élevé jusqu'à mes 12 ans à Caussade (82) par mes grands parents , qui étaient agriculteurs et négociants en fourrage, j'ai été élevé entouré de nature, d'animaux de basse-cour, d'un jardin, et j'ai aussi appris l'occitan car entre eux mes grands parents le parlaient. Après 12 ans de bonheur , je suis allée vivre àToulouse, avec ma mère et son mari. A partir de là, ce fut une autre histoire.... je viens d'écrire un libre de nouvelles, réelles et fictives, et de poésies, j'attend sa sortie. Voilà un peu de moi, mais vous ne savez qu'une partie de ma vie riche et cahotique à la fois Bien cordialement.

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2 Commentaires
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Christian Satgé
Membre
11 mai 2018 6 h 22 min

Un beau dimanche qui sent bon mon enfance. Merci, Marie, pour ce bain de jouvence aux accents “du pays”.
Amicalement
Christian