Dans cette ruelle sombre, de lourdes tentures exotiques, cachent l’entrée de ce lieu inhabituel.
Un parfum oriental acre, se diffuse lentement, dans un temps emprisonné de l’atmosphère. Une époque poétique est surréaliste.
Des coussins violines reposent sur des nattes à même le sol. Des pipes à eau, aiguilles, lampes attendent les habitués.
Les femmes se vautrent sur les paillasses, les yeux perdus dans les volutes de fumées bleu éventail, habillés de kimonos aux couleurs soleils levant.
Les demis mondains survolent Katmandou à 6 mètres au dessus du sol.
Pas un mot, juste des prunelles qui ne voient plus que l’imaginaire.
Les éléphants montent sur le dos des licornes, escortés par l’armée chinoise en tutu de danseuse.
Chine 1960 ! Nullement, Toulon 1900.
L’empire colonial. Les marins et militaires de retour d’Indochine rapportent les traditions qu’ils avaient sur place. Les pipes d’opium aux odeurs sulfureuse et les bambous que l’on fument.
Fumeries clandestines, Toulon fera des petits :Marseille, ainsi que toutes les villes portuaires, Brest, Cherbourg, Rochefort, puis la capitale, Paris.
Les marins suivront les militaires, les mondaines et les bourgeois également.
Les femmes du monde ouvriront des salles d’opium dans le sous-sol de leurs caves, invitant les personnages de grandes vies et les femmes de petites vertus, dont les noms faisaient rêver : fleur de rêve, rose pétrole, ou Jeanne de Rochefort.
Les officiers de marine noyaient leurs chagrins dans les bras de ses femmes et de ses pipes à opium.
Certains poètes seront mal vus pour avoir véhiculé une image romantique de cette drogue. Parmi eux, Charles Dickens, Walter Scott, Edgar Allan Poe, Charles Baudelaire, Jean Cocteau, Pierre Loti, des poètes maudits assurément, quoi d’autres !..
Le préfet de Toulon ordonna des perquisitions mais nulle loi ne condamnait l’opium.
Finalement, à force de perquisitions et de fermetures publiques, les fumeries disparaîtront après 1916..
Les marins et militaires désœuvrés traîneront longtemps le long de ses établissements fermés, en quette de licornes violettes, mais ne trouveront que des souvenirs écrasées sous des pipes cassées et des rêves volant à six mètres au dessus du ciel …
Un moment de liberté, mais ils ne le savaient même pas..
Anne Cailloux
Je’ aurais du dire un Toulon brumeux au lieu d’ uneFrance brumeuse. Mauvaise métonymie.
Bonjour Anne, C’ est tellement précis et bien écrit que j’ en ai encore davantage le vertige. On n’ est pas chez Fogg mais bel et bien en France, une France brumeuse.
Merci d’avoir si bien évoqué cette époque troublante, qui doit encore en faire rêver plus d’une et plus d’un …
Merci pour cette grande page de la petite histoire. Bravo pour votre plume qui vaut bien une petite fumet… À chacun sa dope !
Beau murmure d une époque jouissive sans interdit
Ol
Merci, Anne , pour le partage de ce tableau retraçant une période historique avec un décor où tes les détails sont minutieusement évoqués.