L’Inconstance des sentiments – Extrait (5) – Caroline Pivert

extrait

J’ai été amenée à faire le deuil de moi, celui que j’ai connu. Deuil pourtant si futile, lorsque l’on y repense, les années derrière soi, lorsque tout recommence, une seconde fois, au cœur d’une romance, pour ce qui me concerne…

Adrien, ô mon moi, mon autre que soudain j’aime : tu me fais vraiment vivre ma seconde enfance, après l’ultime détresse, dans cette fausse voie où je m’étais laissée conduire, bien malgré moi, souvent. Malgré cette discorde, aussi, qui pourrait rester vive, des idéaux d’antan à la « trêve » d’aujourd’hui.

Tristes jours en effet, que de laisser son île, ses rêves d’avant désormais… Mais pourtant si stériles, mon tout nouvel amour, Adrien, désormais, puisque notre évidence, aujourd’hui, je la sais. Comme on reconnaît par instinct les mains qui nous secourent…

En attendant, c’est l’heure, je le sens en moi-même, d’affronter le passé. Et de lui faire la peau, enfin ! De le soumettre, et puis de le damner, moi revenue au Ciel, tel un Dieu qui décide du Jugement Dernier à rendre à cette chose avide, si prompte à vous brûler… Lui faire vivre l’enfer qu’il m’aura parfois réservé. Lorsque mon paradis d’alors m’a trop vite échappé.

Perdu presqu’en entier, c’est vrai, avant de te connaître, Adrien mon aimé, ma nouvelle joie d’être, ce serment de l’été, du bonheur enfin d’être. Vivant, glorieux, serein, aimé. Oui il est bien en perte, ce rêve désavoué d’un paradis terrestre, le « serment d’autrefois », ce en quoi j’ai tant cru, sans vraiment le comprendre, désormais effacé, nostalgique parfois. Même encore aujourd’hui. Malgré toi…

Et moi dans ce décor désabusé, menteur, j’ai ressenti cent fois cette petite mort des songes embrassés, puis réduits au néant, ange déchu, déjà, ange tombé à terre, n’ayant pu vaincre les démons de cette immensité.

A présent je suis sans merci, souvenirs sans retour, je vous délesterai de votre poids si lourd, dans ces égarements qui fondent nos pensées, qui fondent nos soupirs, la déception passée… Et passés les « toujours », la croyance en un absolu. Comme si « mon tour » avait passé. Lorsque les pas erratiques des plus jeunes années ont fini par mourir, m’ordonnant de m’arrêter, même après les combats sans merci ni repos, reflets de mon délire, ô folie des grandeurs, où je me suis noyée, mille fois sans secours, sans la moindre lucidité. Moi si naïve, en somme, devant l’intensité des possibles d’alors, revenue au réel, cette apparente fatalité…

Moi, si longtemps abîmée par les flammes infernales des études supérieures, et de la sensation d’erreur que me tend désormais ce miroir en péril, errance du bonheur, de mon identité, qu’un désir naufrageur est venu transporter, un peu comme en un mauvais songe, vers Paris, cet ailleurs, lieu qui m’a condamnée, mais fondateur, pourtant… Là où l’adversité nous fait grandir d’un coup, après avoir payé son tribut au malheur, à la « difficulté ».

O désenchantement insatiable et cruel, qui m’était destiné, toi qui m’as tant surprise, tant je pensais le jeu déjà joué d’avance ! Que je progresserais. Toujours vers l’ascension, toujours dans le « bon sens».

Et pourtant j’attendais je ne sais quel soleil, je ne sais quel été, comme au cœur de l’orage les éclairs espérés, pourtant si vite enfuis dans les larmes à vaincre, dans les pleurs à cacher, moi qui fut si violente, pourtant, dans ma confiante ardeur, dans mes comportements, dans l’entêtant cortège des ambitions rivales, en ces moments troublés, fin de l’adolescence, aux joies incontrôlées.

Mais puisque l’on ne naît à la vie qu’après avoir connu l’étoile des soirs, l’infini salvateur d’où le rêve jaillit, sous sa forme de chair, enfin réalité, dans l’obscurité pure, dans la nuit des douleurs, qui parfois s’est levée… Moi j’aurai bien longtemps marché, traversant mes journées sur le fil du rasoir, funambule amateur que suis devenu, au centre des marées de tout un flot humain, quelquefois déchaîné.

Et moi qui ne voulais pas suivre les chemins de l’hypocrisie sociale, j’ai connu un mensonge à ma petite échelle, m’engluant dans les conventions, les rituels, les « codes sociaux », culturels.

Mais aujourd’hui mes  sentiments  ont tant changé. J’ai vécu dans les faux-semblants. Aujourd’hui j’ai ma « vérité », et des sentiments différents. Face à toutes ces réalités. Face à la trahison du temps…”

 http://www.edilivre.com/l-inconstance-des-sentiments-231c822081.html

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Caroline Pivert

Caroline Pivert (20)

Née en Polynésie française de deux parents tous deux navigants, j'aurais toute ma jeunesse profité de cette opportunité pour parcourir le Monde. Une chose parmi tant d'autres a planté en parallèle ses racines dans ma vie: Les mots et leur poésie.

Les romans sont un peu comme des chansons à mes yeux. Il est plus facile de comprendre le monde quelquefois sous cet angle, mélodies éphémères et pourtant si profondes, que sous les lois de la politique et du "marché".

Je publierai régulièrement des poèmes sur ce site.

En espérant vous voir les découvrir,

Caroline Pivert

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Invité
14 février 2016 11 h 01 min

Merci Caroline beau et touchant texte belle journée.