L’hiver me vient – Christian Satgé

« Mourir la belle affaire
Mourir cela n’est rien
Mais vieillir
Ô vieillir ! » 
Vieillir, Jacques Brel
Petit à petit, les souvenirs s’éloignent.
Puis, peu à peu, se taisent jusqu’aux mots.
Me voilà rameau que l’hiver sec empoigne
Ou fétu de bois mort, rongé par ses maux…
Et, flocon à flocon, s’entasse la neige
Sur mon crâne que le temps, lent, endort
Mais que l’amour parfois éveille encor’
Alors que tout autour se fait bistre et beige.
Et puis, ici et là, se creuse le front,
Se froisse la peau, se plisse les yeux,
Se fripe la mémoire,… Ultime affront,
Les douleurs s’en viennent, Crevindieu !
Hélas, les amis un à un s’effacent
Se fanent nos lys et s’oublient nos lilas.
Les instants fatigués et les moments las
S’ouvrent sur un désert de cendre et de glace,
Pas à pas, geste à geste voire goutte à goutte,
Tout ce que l’on a bâti se fait poussière,
Tout vous blesse ou vous meurtrit et tout vous coûte
En ces lieux qui ne sont que glacières.
Ma jeunesse en lambeaux quitte la terre
Me jetant à la face des sillons
D’habitude nées d’années sous baillons,
De ma solitude de grabataire.
© Christian Satgé – décembre 2019

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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PHILIPPE X
PHILIPPE X
Invité
11 janvier 2020 6 h 47 min

Que de justesse pour décrire cette injustice devant laquelle nous serons confrontés..cela fera jurisprudence chez les Académiciens, réputés immortels…
j’ affiché ce texte riches d’émotions sur ma page FB…elle mérite toute mon attention…félicitations

OberLenon
OberLenon
Invité
10 janvier 2020 21 h 53 min

Vous évoquez avec l’élégance qui vous caractérise les aspects les plus difficiles de la vieillesse. Je relève ce petit passage : “Ma jeunesse en lambeaux quitte la terre Me jetant à la face des sillons…” . Une peau parcheminée, c’est une peau qui a subi le soleil comme les larmes, les accidents du temps. C’est le témoignage d’une vie. Je trouve que les visages des personnes âgées sont beaux , justement parce qu’on peut les “lire”

Elisabeth Lepage
Membre
10 janvier 2020 18 h 22 min

Juste un petit mot pour dire que j’apprécie votre texte. La touche bleue J’aime située sous les parutions ne semble pas vouloir que je la fasse fonctionner. 3 fois dans l’après-midi, j’ai “cliqué” sur votre poème mais le site semble vieillissant. C’est de circonstance ! Bon we.