Ayant reçu, Ô bonheur, Grand-Mère deux mois,
Ce jour, il fût temps de boucler ses bagages,
Surmontant ma peine, je reniflais parfois,
D’un regard, Grand-Mère me disait “Sois sage !”.
Jalouse était ma mère, précisons-le,
Trouvant un excès de sentiments pour elle.
L’heure tournait… On me tendit un sac : “Prends-le !”,
“Allez montez en voiture, ribambelle !”.
A Casablanca, déboussolés, sur le port,
Il y avait foule, présente, à venir,
Par cars, croulant de monde et, d’autres transports,
Les gens se massaient, on dû les contenir.
Sourde du trafic faisant mal aux oreilles,
Je sus qu’il s’agissait des Juifs, le départ,
Direction Israël, via Marseille,
Ce qui fût confirmé dans le journal plus tard.
Grand-Mère devait rejoindre sa cabine,
Voulant l’y accompagner, je montais à bord,
Pleurant, mouchant, j’avais une sale mine,
Pour me déloger il fallut être très fort !
La sirène du paquebot nous étourdît,
Ma Grand-Mère, accoudée au bastingage,
Attendant les deux autres rappels, nous sourît,
Tandis que les quais s’emplissaient de bagages.
Voyant ces Juifs Marocains si démunis,
La plupart encor vêtus de leur djellaba,
L’air complètement perdu, mais tous réunis,
Empilant leurs valises de-ci, de-là.
Je ne pouvais croire qu’ils quittaient le Mellah,
Soit, le quartier des Juifs, autrement dit.
Les foulards frangés des femmes qui étaient là,
Coloraient un peu ce spectacle inouï.
Des malades, vieux, en chaise roulante,
Des jeunes gens portant la kippa, surveillaient
Les enfants pleurant des larmes émouvantes,
Des Juifs en chapeau et papillotes, veillaient.
Des familles entières se regroupaient,
Quittant ce beau Maroc, leur terre natale,
Qui devait les déchirer, mais ils s’embarquaient
Pour la ville phocéenne, c’était fatal.
La troisième sirène avait hurlé,
Le paquebot aidé par les deux remorqueurs,
(Des câbles émanait une odeur brûlée),
Quittait déjà le port, me brisant le coeur.
Les Juifs Marocains, n’ayant pas embarqué,
Stationnaient, attendant un autre bateau,
Pour Israël ? semblaient complètement parqués,
Gens de la campagne qui n’avaient qu’un ballot.
Nous devions retourner chez nous à l’heure,
Mes parents avaient beaucoup à faire, toujours,
Je réfléchissais : “Cette journée de malheur,
M’aura fait connaître un historique jour …”.
©Simone Gibert
C’est moi qui vous remercie vivement, Christian. Bonne journée.
Un témoignage poignant. Merci Simone pour ce partage…