Les lapins courant d’autres lièvres – Christian Satgé

Petite fable affable

C’était au bon temps où les Hommes, les Bêtes,
Vivaient en bonne intelligence, sans peur
De se faire occire quand le fol ennui guette
Aux frimas, l’Humain et, las, le fait trappeur.

 

Des lapins, simplets, vaquent dans le bon trèfle,
Dans la luzerne tendre et le serpolet,
Jouent à des jeux valant moins que des nèfles
Ou à d’autres, un peu plus olé-olé,
Insoucieux des coups de feu qui trahissent
La fin de trêve pour leurs douces pelisses.

 

Un lièvre apeuré, soudain, vient à eux
Alors que tout était encore aux fous-rires :
« Il faut vite partir au loin, malheureux !
L’Homme est désormais un loup, si ce n’est pire !

– Sans chien ni lien, comme ça vient,
Nous sommes bonnes gens vivant en frères,
En paix avec tous ceux qui vivent sur Terre.
Qui nous peut vouloir du mal, Grandes Oreilles ?
Bah, viens plutôt partager notre oseille ! »

 

La battue se rapprochant, l’intrus fuit
Comme, jadis, allait carreau d’arbalète.
Nos rongeurs ne s’inquiètent que de la nuit
Qui cache au noir renards, furets et belettes.
Ils s’en retournent aussitôt à leurs gaietés,
À l’insouciante joie de la concorde
Bien que l’on soit déjà loin de l’été.
« Passons les instants que le Ciel nous accorde
Aux plaisirs qui donnent du sens à la vie :
Aimons et jouissons, Amis, à l’envi ! »

Un blaireau leur annonce, non sans dédain :
« Les forêts, les près et les monts se révoltent
Contre l’humaine félonie : du doux daim
À l’ours brun on veut qu’enfin l’Homme récolte
Les vils fruits de son infâme trahison.

– Je vous désapprouve et vos choix condamne !
Fit le chef des terriers, un fort grison.

T’as le droit de ne pas te battre, Gros Âne :
Si nous vainquons, nos acquis seront tiens,
Mais la défaite n’sera pas qu’aux miens ! »

 

© Christian Satgé – mars 2017

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
2 avril 2019 14 h 48 min

Christian celle la est superbe en son humour et révolte cachée en vos mots « Les forêts, les près et les monts se révoltent
Contre l’humaine félonie : du doux daim
À l’ours brun on veut qu’enfin l’Homme récolte
Les vils fruits de son infâme trahison.
encore un écrit qui est propre à votre talent de conteur mes bravos l’ami