Les deux songes – Christian Satgé

Petite fable affable librement inspirée  de Les deux songes d’ A. Houdar de la Motte (Fables nouvelles, II, 5)
Rêve et Cauchemar ayant, las, partagé 
La même nuit, le même lit, à l’aube
Se rencontrent, harassés d’un labeur viager
Qu’on sait naître au crépuscule et qui se dérobe
À l’aurore. Tous deux se crêpent le chignon,
Imbus jusqu’à l’obtus de leur propre importance.
 
« C’est moi qui, tourmentant l’âme comme guignon,
Nuisant au plus reposant sommeil, tout d’instances
Et d’insistances, suis le seul maître du jeu,
Faisait celui qui était plus mauvais que teigne.
Mes délires, entre orageux et marécageux,
Hantent à l’obsession. Parfois, le jour ne daigne
Ou n’ose éteindre les feux follets de mon règne…
 
– Fi donc ! réplique alors le plus doux. Pour ma part,
Je vais, consolant d’un bonheur certes fugace,
 Des malheurs du jour, ou du moins de la plupart, 
Entre féérie et espoir, offrant sagace
Inspiration au poète le moins en verve. Hélas,
Je suis instant vite oublié. De passage…
 
– C’est bien ce que je te disais : ton damas
Ne vaudra jamais mon crin, sois-tu le plus sage !
 
– Que l’un vaille mieux que l’autre, à mon avis,
Qu’importe. Car tous les deux êtes indispensables
L’un à l’autre, donnant tout son sens à la vie,
Intervint le lit qui leur servait de sac de sable.
Si l’un rappelle que l’on n’a rien sans dol,
L’autre nous dit que l’on peut toujours prendre envol ! »
© Christian Satgé – novembre 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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