Les cloches et le clochard – Christian Satgé

Petite fable affable

Un jeune oiseau de nuit et un vieux rat de cave,
Copains comme cochons moins pour les choses graves
Que pour les légères, couraient la nuit durant,
Et dès qu’elle tombait, faire bamboche et bombance
Pour oublier l’ennui, leur malheur récurrent,
Non les ennuis qui les épargnaient, par chance.
Pour ces deux compères, pas amis à demi
Les idées noires font des nuits blanches, ma mie,
Alors amusons-nous : « Fi d’os avec la noce ! »,
« La bringue rend dingue si elle n’est que d’août ! »,
« Beaucoup de débauche préserve des cabosses ! »,
« Contre tes maux mieux que mots : galas et raouts ! »

Fort complaisants avec eux-mêmes, ces deux drilles,
Étaient intraitables avec les autres. Grilles,
Portes et codes les préservaient des sans-dents
Et sans-le-sou, êtres nuisibles chez les bêtes :
« Primé je te prise, même un peu décadent ;
Brimé te méprise et fuis pis que Malebête ! »
Un matin, sortant fins saouls, un errant les vit.
Cet assisté, coucou mendiant, les envie
Et, hélas les hèle : « Depuis trois jours ne mange !

Le jeûne ?… C’est un truc de vieux ! » répond le rat.

L’autre insiste : « Sans toit, je vis donc dans la fange…

Qui ne sait où coucher est, lors, dans de beaux draps ! »

Ils se prirent, contents de leurs saillies, à rire.
Des pies les guettaient avec un méchant sourire.
Craignant chiens policiers, et surtout chats-fourrés,
Elles s’attaquèrent au coucou. Nos deux comparses
Leur abandonnèrent ce paumé. « Mal barré,
Qu’avait-il à perdre ? Sa vie n’était que farce…
Dit l’autre oiseau. On en est quitte pour la peur ! »
On peut expliquer non excuser leur torpeur,
Quels que soient nos us et mœurs, il faut qu’on ose :
Le monde est dangereux à vivre, je crois, non
Tant par ceux qui font le mal, mais plutôt à cause
De ceux qui baissent leur froc devant son seul nom.

© Christian Satgé – juillet 2015

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
31 décembre 2018 15 h 33 min

Juré ! je ne fuirai plus devant les réchauds fourrés ! C’était ma dernière plaisanterie de bas étage de l’année. Et ne traînez pas trop avec l’oiseau de nuit et le rat de cave… quoi que !…