Les chevaux de bois Daniel Marcellin-Gros

Les chevaux restaient droits…

 

Les chevaux restaient droits sur leurs hanches solides :

Le soleil leur dorait l’épaule, des sueurs

Les prirent : ils avaient peur sous la toile splendide,

Et, debout, ils étaient pâles dans la lueur

Blafarde des lampions, et leur tête était vide !

 

Par des Démons sournois ils étaient épiés,

Ils auraient bien aimé pouvoir dire leur prière !

Mais le mors leur faisait des bouches de papier,

Ils voulaient s’en aller, s’échapper du bestiaire,

Hélas ! ils ne pouvaient, ils étaient estropiés !

 

Et, ils restaient debout, glacés dans l’épouvante

Morbide de l’horizon où darde un soleil mort :

Alors, ils voulaient mettre leurs étriers en vente,

S’extirper du plancher, et partir sans remords,

Par les rues, trottinant, qu’il neige, pleuve ou vente !

 

Mais leurs vœux les plus chers n’ont pas droit de cité !

Et, leur cœur mal croyant tombe hors des calices ;

Pauvres chevaux de bois, atteints de cécité !

Vous n’êtes que des bêtes loin du pays d’Alice,

Et je comprends pourquoi vous êtes révoltés !

 

Et, ça me fait pleurer d’être bien plus stupide

Que vous ! Et d’être bête à manger du chardon !

Si vous êtes maudits, moi, je suis fou, livide,

Et, je réclame aussi de vous un franc pardon,

Ô bons chevaux de bois, ô chevaux intrépides !

 

C’est vous les justes, enfin, les justes, c’est assez !

C’est vrai que vous avez la tendresse sereine,

Et, que vous tournoyez sans jamais vous lasser,

Sans jamais laisser vos compères à la traîne ;

Dans vos yeux des soleils viennent se prélasser !

 

Et, c’est vous les Divins aux croupes ondulantes !

Aux galops effrénés, aux brides sur le cou,

C’est vous qui suscitez les passions violentes,

Vous qui tournez jusqu’aux limites du dégoût,

Alors qu’à l’horizon les cieux morts s’ensanglantent !

 

Et, vous courez sans fin, de l’aube jusqu’à la nuit,

Qui apporte avec elle les rêves et la fièvre,

Mais pour vous le repos, quand les fantômes fuient,

Qu’ils viennent grimacer de leurs bouches sans lèvres !

Lorsque je ne dors pas et que la lune luit !

 

Quand vous dormez debout sur vos jambes en pilastre,

Quand vos jarrets de bois deviennent cotonneux,

La nuit porte avec elle la hotte des désastres,

Ou bien, comme une fée dans les cieux lumineux,

Elle tend des fils d’or pour relier les astres !

 

Sous la toile, les vaches, la gorge cravatée,

Lentement, semblent ruminer un ennui doux ;

Tandis que les gorets, par le sort moins gâtés,

Sont aux prises avec quelques hargneux toutous,

Qui pour sûr les jalousent d’être aussi empâtés !

 

Ô splendide manège, à cent lieues du progrès !

Que j’aime tes chevaux à la blanche bedaine !

Quand tu donnes aux enfants cette joie tout exprès,

Je ne sais pas pourquoi j’ai des larmes soudaines,

Et, je pense : « manège où iras-tu après ? »

 

 

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