Les Caves Canem – Christian Satgé

Petite fable affable

En ce temps-là, que l’on dit « des plus reculés »,
Les bêtes qui vivaient là, parmi les hommes,
Se conduisaient et faisaient comme les Hommes,
Singeant leurs activités sans y être acculés.

Un chien, dit-on, était alors vigneron
– Il en est bien qui sont bergers en ce monde
Ou, plus loin, des castors jouant les bûcherons ! –
Il était pour cela reconnu à la ronde.
Au point que ses ceps riches de raisins, aux champs
Comme à la ville, régalaient les gorges sèches,
Faisaient sur les lèvres naître nombre de chants
Célébrant l’amitié même dans la dèche,…
Son chai était plein, ses caves jamais à court
De satisfaire les connaisseurs et les avides.
Canem, notre toutou était donc le recours
Et le secours de chacun, aimé des impavides
Comme des livides. Or, un sinistre jour
Dieu, qui n’était alors que courroux et ire,
Fit s’abattre sur notre terrestre séjour
Des torrents d’eau en cascades… Si ce n’est pire.
Canem vit se noyer ses champs et, las perdue
La vendange à venir mais, encore optimiste,
Il pensa que comme les écureuils, glandus
Notoires déjà, il avait en ses registres
Des réserves encavées pour deux ans au moins.
Mais, hélas, après quarante jours de déluge
Elles avaient disparu. Le Ciel m’est témoin
Qu’il ragea ce chien sans bien ni refuge…
Noé le recueillit en son arche et apprit
De lui un savoir qui le rendit fort célèbre.
Quant à Canem, qui savait désormais le prix,
Du travail acharné qui vous rompt les vertèbres
Et d’une inutile prévoyance face au Très Haut,
Il se fit serviteur de son sauveur gouliafre
Et vécut selon un « Carpe diem ! », pas faraud
Pour deux sous, nous laissant du labeur tous les affres…
© Christian Satgé – juin 2019

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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