Les annés 40 – Simone Gibert

1947

 

La fin de la guerre !

On s’en va prendre l’air,

Sur le vol Bron-Oran,

Adieu mes parents.

 

Une dame gantée,

Belle et chapeautée,

Nous fait sensation

En prenant l’avion.

 

Nous sommes fières,

Nos sacs en bandoulière,

Ce n’est pas commode

D’être à la mode …

 

Nous voici  installées,

On va se régaler,

Carlingue bruyante,

Assises mouvantes …

 

Trop de turbulences,

Et l’avion danse,

Maman, ma soeur et moi,

Sentons je ne sais quoi.

 

L’élégante dame

A vécu un drame,

Pâle, son visage,

Taché, son corsage.

 

Mais c’est le mal de l’air !

On regarde à travers

Les hublots. Magique !

Bientôt l’Afrique !

 

Toujours avec entrain,

A Oran dans un train,

Bondé, bruyant, branlant,

Vers le Maroc filant.

 

Ma soeurette s’écrie –

Devant les gens qui prient,

Les voiles sur le coeur –

“Où vont toutes ces soeurs ?”.

 

Il est vrai en ce temps,

Les femmes étaient en blanc.

Les yeux grands ouverts,

Changement d’univers !

 

A Casa, à la gare,

On grimpe dans un car,

On s’entasse vraiment,

Tout est fait gentiment.

 

On rit, on discute,

D’autres se disputent

Et puis, sans scrupules,

Se congratulent.

 

Complètement happée

Absolument frappée

Par cette ambiance,

J’en oublie la France !

 

Mémé que j’ai laissée,

Avec le coeur blessé,

Ses larmes dans les yeux,

Ses tendres bras soyeux …

 

Mais quelle aventure,

Il faut que ça dure !

Des cactus en bosquets,

Des ânes des paquets,

 

Et des enfants qui jouent,

Leurs cerceaux sont des roues

De vélos démontés

Qui sont à leur portée.

 

Pions en capsules

Ne sont ridicules,

Ils jouent, même parient,

Et j’en suis ahurie !

 

On s’arrête à Settat,

Le cocher se hâte,

Calèche d’autrefois

On en reste pantois.

 

L’homme qui nous attend

Semble prendre son temps.

En fourgon, nous montons

Les bancs donnent le ton.

 

La piste défoncée

Ne nous fait renoncer,

Sur des kilomètres

Il faut s’y soumettre.

 

Pays monotone,

On ne voit personne,

A part quelques troupeaux

De moutons et agneaux.

 

Paysage désert …

Très bientôt, en concert :

“Mais c’est le paradis !”,

Et le chauffeur nous dit :

 

“Les villas sont rosées !”.

Les plantes arrosées

Sont majestueuses,

Nous sommes heureuses !

 

Cet oued est en crue,

Pourtant qui l’aurait cru,

J’apprendrai à nager

Et même à plonger.

 

Ma tête explose,

Beaucoup trop de choses

A emmagasiner.

C’était ma destinée.

 

Soixante ans ont passé,

Le bled est “effacé”,

Sentiment de douleur

Retombant dans mon coeur.

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