Le voleur de misère – Simone Gibert –

illust.SG

Là, dans la poussière,

En loques affalé,

Dort un pauvre hère

Une jambe blessée.

 

Le maçon m’affirme

“Un voisin le nourrit,

Il n’est pas infirme

Sa tête est partie”.

 

Sur notre chantier

Qui pousse en champignon,

Ils sont vingt ouvriers

Donnant leur opinion.

 

“Plus de commentaires,

Nous allons le soigner

C’est au dispensaire

Qu’on doit le transporter”.

 

Mais… c’est avec stupeur

Qu’on a dû constater

Des dégâts l’ampleur,

Dans la même journée !

 

L‘homme et son bandage,

Pour nous remercier,

Nous donner courage,

Avait tout saboté !

 

Sautant dans un taxi,

Nous avons circulé,

Partout, et là, ici,

Puis nous l’avons trouvé :

 

Là, dans la poussière,

L’air vague, hébété,

Il s’est laissé faire

Nous l’avons ramené.

 

Gagnant le chantier

Avec notre voleur,

C’était tout le quartier

Qui jouait “Les plaideurs ” !

 

L‘homme têtu est fort,

Ne dit pas un seul mot,

Frémit de tout son corps,

Il sait quel est son lot.

 

“Il faut le corriger,

Madame si tu veux,

On peut te le tuer,

Attends, attends un peu”.

 

L‘homme plie sous les coups,

“On le jette en mer,

Une pierre au cou ?”

L’homme est à terre,

 

Et je m’entends hurler,

“Assez, ce supplice

N’est pas justifié,

Il faut la police !”.

 

Mais j’avais présumé,

Les choses se gâtent,

On est interrogé

Et cela m’épate :

 

“Qui l’a corrigé ?”

Et nous nous accusons

“On peut bien le garder

Mais, dans cette prison

 

Vous devez apporter

Toute nourriture,

Puis payer pour soigner

Sa grande blessure ! ”

 

Prêt pour le supplice,

Le voleur se dévêt,

Un chef de police

Brandit un grand fouet,

 

On le frappe encor

“Mais laissez-le partir !”

Je dois aller dehors,

Soudain je vais vomir.

 

Quelques heures plus tard,

Les rancoeurs apaisées,

J’ai lu dans le regard

De chaque ouvrier

 

Un curieux mélange

De respect, de fierté,

Sentiment étrange

Qu’inspirait ma pitié.

 

Je l’avais défendu,

Envers et contre tous

Ce fou, cet inconnu

Sorti de la brousse …

 

L‘homme avait regagné,

Là, dans la poussière,

Sa vie déracinée,

Sa reine misère !

 

©Simone Gibert

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1 Commentaire
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Invité
27 octobre 2018 13 h 55 min

Merci Christian
et, à vous qui avez aimé ce texte. Simone.