Le veau égaré – Christian Satgé

Petite fable affable
 
D’un coup, la nuit tomba. Un petit veau pleura
Sa mère allée, sans lui, s’abriter à l’étable.
Envolé le troupeau, aussi, quand fuit, au ras
D’un horizon noirci, le jour rendu instable.
Se fiant à l’instinct qui ne trompe jamais,
Il partit à rebours du chemin de traverse
Qui l’a conduit au pré. Il erra. N’en put mais.
Un loir qui l’avise aux sanglots qu’il déverse,
Le remet en chemin et là, joie !, des lueurs
Semblaient le conduire tout droit, non sans sueur,
Vers cette ferme où on l’attend et on l’espère.
La nuit avait croqué jusqu’au dernier repère.

Luciole ou ver luisant, les hôtes du chemin
Le rassérénèrent. Il se laissa conduire
Comme mis au licol et tenu par la main
Ferme de son fermier. Qui donc pourrait lui nuire ?
Il n’avait qu’à suivre, peu ou prou, cette voie
Éclairée par chance, où il n’avait rien à craindre.
Il marchait sans question ni souci on le voit,
Sûr que son gîte allait, en bout de route, poindre.
Ah, la tranquillité d’âme d’un être droit
Et simple en proie, tout d’abord, au désarroi.
Le sentier était long, ses buissons indociles,
Mais les lueurs rendaient son parcours plus facile.

Ainsi ce veau perdu allait cahin caha,
Trottinant, paisible, vers ses douces pénates.
Du moins le croyait-il, jusqu’à ce que, béat,
Il se retrouve dans une voie étroite,
Si étroite qu’il ne pouvait se retourner.
Il allait reculer. Une voix amène
Résonna dans son dos. Il ne put discerner
Qui lui parlait : « Eh oui ! c’est là que le chemin mène.
Tu viens de bien loin mais, marchant d’un bon pas,
Tu nous arrives à temps : juste pour le repas ! »
Ainsi un chien errant le dévora sur place,
Dans la nuit profonde et sombre qui toujours glace.

Toi qui encore cherches
 Un certain « bon chemin », il n’est pas toujours celui
Qu’autrui, tendant sa perche,
A balisé pour toi en un trop beau circuit.
© Christian Satgé – janvier 2014

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Invité
22 octobre 2018 10 h 48 min

un beau texte .