Le vacher et le berger – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Revenus de leur prés, fort loin de leur village,
Un jeune vacher disputait à un berger
Le droit d’être fier de son office par l’âge,
De prime, mais aussi parce qu’il ménageait
Vile piétaille grouillante et suintante
Et non nobles et forts bestiaux dont la chair
Nourrirait le seigneur du lieu. Irritantes
Raisons qui justifiaient qu’il prenne de grands airs.
 
Et le vacher ajouta, sûr de son affaire :
« Car on aura beau dire et faire avec broutards
On gagne autant à les garder qu’à s’en défaire,
Ne valant pas tripette sauf pour plèbe ou routard !
 
– Vraiment ?!… Moi je n’appête guère à pécunes
Que je ne verrai mie : mon maître, comme le tien,
Profite de sueurs, sans vergogne aucune,
Qui lui coûtent peu et gardera serré son dû. Chrétien
Sait que charité bien ordonnée commence…
Et cela en château, en chaumière ou manse.
 
– Tu as bon bec, comme fille d’étable. Mais, fi,
Moi, je vais seul sans que partout ne m’accompagne
Un chien, pour faire un ouvrage auquel je suffis,
Mangeant la moitié des sols que je gagne !
 
– Mon fidèle Médor m’évite de m’aigrir 
Sur mon triste sort et vaut bien d’aucuns hommes
Venant sans fin, dans mon labeur, me secourir.
 
– Tu resteras les pieds crottés, comme pomme
Que je sais, à raisonner comme nos vieux !
 
– J’en serai heureux, Bouseux, si je ne me paonne
Jamais de ce que le Hasard ou, au mieux
Un Autre, m’a fait ce que je suis ni si, âne
Parmi les ânes, je ne mets plus bas que boue
Qui vit com’ moi mais se voit, plus que je, debout. »
 
© Christian Satgé – décembre 2018

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Invité
19 juin 2019 13 h 14 min

Bonjour un petit coucou à la ferme et je suis vache qui ne laisse pas faire hé
Merci de ce magnifique écrit donc tu as le secret j’adore
Douce journée Christian je t’embrasse