Le roitelet du bosquet – Christian Satgé

Petite fable affable
 

Un lynx régnait sur un bosquet laissé
 Par l’Homme à sa destinée naturelle.
Il y faisait la loi et, las, ne blessait
Que pour mieux tuer, des sauterelles
Au chevreau, affirmant ainsi que roi
N’est grand que craint, respecté que fui.

Mais de la sorte les sujets, pitance
Autant que vassaux, voilà l’ennui,
S’en vont au loin. Point de bombance
À force et notre fier lynx maigrit
Et s’aigrit tout autant de l’impudence
Du peuple de ces vaux et de ces monts
L’obligeant à courir à l’imprudence
Pour une ventrée, d’aval en amont.

Un jour, qu’il se trouve en une rocaille,
Il voit larmer des rapaces au corps
Meurtri de l’aigle abattu comme caille
Par un chasseur perdu dans ce décor.
« Ce doit être un grand souverain qu’on pleure
Pour qu’aussi haut on arrête les heures,
Fit-il, s’approchant, la faim en allée,

– Mieux, l’Ami, notre pauvre monarque, 
Répondit Vautour qui brinquebalait
Sur ces galets, mérite plus de marques
De dévotion que tous les  Dieux.

– On redoutait partout sa puissance,
Serres féroces et bon bec odieux,
Sans doute ! Poursuivit, comme on se lance,
Le lynx qui jà rêvait se modeler
Sur ce terrible souverain ailé.

– Point s’en faut ! Le reprit le gypaète
Il n’abusa, non jamais, de ses droits,
Partageant tout avec tous, du poète
Au prédateur, et nul ne fut sa proie
Qu’en juste part des lois de Nature.
Oh non jeune sot, il ne fut pas grand
C’est là chimère de tout immature :
Il fut juste !… C’est, crois-moi, fort différent ! »

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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6 Commentaires
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Invité
14 mai 2019 14 h 16 min

Bonjour Christian un texte fort bien construit
Quand la royauté meurt
ainsi fût ‘il l’aisance de son prédateur
Et tiens l’ami, un lynx j’en ai croisé un dans la campagne de ma jeunesse j’avais à peine dix ans, quel émotion et aussi frayeur lui il est resté là sans bouger et je suis partie rebroussant chemin
Un bel animal, aujourd’hui menacé par les agissements humaine
Douce journée amicalement
Béa

Invité
14 mai 2019 12 h 23 min

Bonjour mon ami Christian bravo pour ce superbe texte dont les mots sont profonds et magiquement tissés. Oui on a fort besoin des penseurs qui construisent un présent éclaireur et un futur sage et communicateur. Et vous le faites bien
Agréable journée
Mes amitiés
Fattoum.