Le rhino’ féroce – Christian Satgé

Petite fable affable

Un rhinocéros blanc à l’oeil noir
Fuit tous les braillard débraillés
Que l’espèce aviaire a baillés
À la rivière où cet éteignoir
A élu domicile et fait sa loi.
Et à la faire régner il s’emploie.

Il empoussière aigrettes, hérons
Chasse spatules, avocettes, grues,…
Brillants comme une écume incongrue
Dans l’eau où il aime à faire des ronds.
Pis, leurs gosses, volaille impolie,
Se gaussent de lui, ces pisse-au-lit !

Si, depuis lurette, il leur bat froid
Il rêve, hélas, de s’en revancher,
Consumé de colère. Emmanchés
Et haut-perchés vivent dans l’effroi :
Il veut faire au plus loin déménager,
Et pour toujours, tous ces ménagers.

Un matin, il veut mettre le paquet
Contre ces voisins, au prix d’exploits,
Chasser ces gens de mauvais aloi,
Batteurs d’ailes et joueurs de caquet.
Il leur fonça sus : hurlant, frappant,
Chargeant chenapans et sacripants…

Tout le jour il y revint, et sans fin
Les vit s’envoler un bref instant
Pour se reposer, pas plus longtemps,
Il en oubliait la soif, la faim,…
Sous le nombre y perdit le sommeil,
Quand vint à choir le soleil vermeil.

Rien ne le faisant revenir
Aux meilleures dispositions,
Persuadé, – c’est prétention ? –
Qu’être con, on peut en convenir,
Est le moyen le moins infécond
D’être bien compris par des cons !

Il en mourut d’épuisement
D’avoir oublié, las qu’emmerdeurs
Toujours l’emporteront, sans pudeur,
Car leur nombre, insidieusement,
Fait leur force, soit-on bilieux,
Ce, ma foi, dans tous les milieux !

 

© Christian Satgé – septembre 2018

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Laurence de Koninck
Membre
22 septembre 2018 11 h 40 min

Quel vocabulaire, j’aime beaucoup, toujours. Et la morale sonne toujours juste. Bravo Christian!

Anne Cailloux
Membre
21 septembre 2018 21 h 22 min

C’est rosse pour lui,
mais il ne faut pas en faire son cheval de bataille en oubliant le reste.
Comme vous avez raison Christian, vous avez les mots et l’humour comme il faut
Anne