Le renard domestiqué – Christian satgé

                            Petite fable affable

 

Surveillée par un patou digne de garder
La Gueule des Enfers où flammes aiment à arder
Si tant est que telle entrée nécessite un cerbère,
La basse-cour s’ébat comme en pays berbère :
Ici, tout n’est que luxe, calme et volupté,
Sous l’oeil de Maître Coq, roi par tous accepté.
Souverain trônant sur son fumier, il scrute
Son monde entre deux volailles à la culbute.
Dame Goupil venue larronner des poulets
Avait laissé un orphelin tétant son lait
Seul, ici-bas… Et, par charité, à la ferme
On avait recueilli ce beau roublard en germe.

 

 

Il grandit et fut éduqué comme un chien,
Se comportant, au jour le jour, aussi bien
Qu’un toutou, nourri et choyé d’abondance.
La Crédulité étant fille d’Ignorance,
On s’attendait, las, presque à l’entendre aboyer
Chez ceux où il logeait sans payer de loyer.
Seul le gardien du lieu sur ses gardes
Restait, ayant la griffe aigüe et croc qui larde.
Le Roux pourtant n’était ni fourbe ni retors.
Aussi donnait-on au sceptique plus que tort
D’une vigilance justifiant pitance
Et existence par ailleurs… Que d’inconstance !

Et ce vieux molosse avait bien raison
De se méfier d’un rusé dans la maison
Qui n’attendait que vienne, un beau jour, son heure
Pour piller toute la poulaille en sa demeure.
Et ce dernier, matois en tout et pour tout,
Crut, quand on relégua, fort lassé par sa toux
D’abois, notre cabot au pré avec les chèvres,
Pouvoir ripailler comme lièvre en genièvre.
Mais la Providence devait être, ce jour
Là, distraite : à peine eut-il posé, au séjour
Des poulets, la patte qu’une gueule béante
Le happe et que résonne une voix effrayante :

« Je savais bien qu’un renard change de poil,
Non de caractère* c’est, las, adverbial ! »

.

© Christian Satgé (* d’après Suétone) – mai 2018.

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
7 août 2018 21 h 37 min

Ha ha ha, rusé et charmeur avec ses yeux de braise..
j’aime votre renard même si il chapardeur..
Continuez encore à nous charmer Christian.
Anne