Le primate singeant les bipèdes – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Chez ces gorilles, on s’inquiète et s’alarme :
Un des jeunes, petit con mal dégrossi 
Ne cesse, jusqu’à faire poindre larmes
Et de morguer, et de mépriser aussi,
Toutes les femelles de ce groupe :
Il  rabaisse ses sœurs ; il désobéit
À sa mère qu’il snobe ; d’une croupe
Montrée sans fard, ainsi, voire à grand bruit,
Il dédaigne ses tantes, et même il toise
Sa grand-mère en phrases des plus discourtoises.
Il bat froid même celles qui ne sont pas
Ses parentes directes, franc comme un lupa !
 
Pis, à celles qui ne veulent pas l’entendre,
Il rappelle que la Nature en ses lois
Fit la femelle ployable, douce et tendre,
Inférieure au mâle qui est son roi
Par le cerveau et les muscles ; donc parole
Adressée à elle, sans se déshonorer,
Ne peut-être qu’un ordre et que, donc, son rôle
Est de se soumettre sans tant loghorrer.
« Il en est ainsi c’est le plus intelligent
Et le plus grand de nos cousins, bonnes gens ! »
 
Cette attitude piqua le chef de meute,
Un dos argenté qui l’interpella par ces mots :
« Alors, Mon Petit, tu cherches à susciter l’émeute ?
 
– Non pas, Maître : je rappelle que tous nos maux
Vient de ce qu’elles ne savent leur place.
Mâle doit dominer, ses fils seconder ;
Plus bête et faible, toute la populace
Des femelles doit sans causer, ni fronder,
Leur obéir et les servir comme chez les Hommes,
Qui sur toute la terre ont fait leurs royaumes.
 
– Et pourquoi de telles dispositions ?
 
– Elles nous sont inférieures en la Création ! »
 
Il fallait, autant que de telles outrances,
Châtier cette insupportable arrogance :
« Ah, c’est donc pour cela !… Mais mon bon garçon,
Fit l’Ancien, femelle t’a mis au monde,
Si je ne m’abuse ?… Or, si j’entends leçon
Que tu m’as tantôt faite, à quel rang immonde
Devrait-on ravaler l’insigne fruit né
D’un être “inférieur” ?… » Et toute la troupe
De rire à pleine gorge à voir, là, le nez
Que fit l’impertinent à qui ça la coupe…
« Eh ! gorillon à cervelle de grillon
Et aux biceps guère plus gros qu’agrions,
Fuis tout ce qui se prétend valoir modèle
Et les raisons éclairant moins que chandelles  ! »
 
© Christian Satgé – janvier 2019

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
7 juillet 2019 12 h 52 min

Superbe texte Christian bravo, nul n’est parfait. L’humain avec ses contradictions et ses bavures crée sa gent.
J’ai adoré la finesse et la métaphore de ces mots
.Mes vives félicitations notre fabuliste adoré
Agréable après midi
Mes amitiés
Fattoum.

Anne Cailloux
Membre
6 juillet 2019 14 h 23 min

Lol, nous ne sommes pas très loin de ses cousins si proches, naturellement, j’adore..
chacun sa place ..
merci de ses mots Christian.
Amitié.