Le pas des vies
Passage
Voyez
Mais le pas s’aveugle sur le fer
Ceux qui viennent de l’épaisseur des yeux
Avec un courage d’enfant
Regardez-les fouler nos lieux sans affection
Vers le jardin de rose de personne ils marchent
Ils suivent les oiseaux apatrides
Approchant leur séjour des ténèbres les vêtent
Ils ont l’habit éloigné des tombeaux
Ils traversent nos voix de mille cantiques sombres.
Ailleurs
Ailleurs aveuglément
A un visage réel
A des chemins creusés de pas
Au temps figé dans l’air
Ni rire ni mouvement
Seulement très loin
Au-delà des frontières
Un cercle de lumière
Et j’entends longtemps
Le pas des vies longtemps se perdre sur les terres
Et les région lentement rouges
Lentement se lever
Ni cri ni mouvement
Seulement très loin
L’horizon noir d’étoiles feintes
Barré de barbelés
Et les voix claires sont des chants éloignés
Dans la boue brune
Où un à un j’entends les hymnes sombres
Les rêves indépensés descendre
L’âpre chemin du sol sous les pas inutiles.
L’aimée
L’aimée est souveraine
Ses terres rétives au toucher
Sa loi est incertaine à ceux qui ont osé
Les intimes nuances de ses voix desséchées
Elle expire avec l’immense certitude
D’un vaisseau chaviré
Dans la boue de l’instant
Sa parole est d’abord une fanfare inutile
Son silence une harpe aux accords brisés
Son visage un instant est l’impossible harmonie
D’un pays sans grillages aux confins invisibles
Regardez les étoiles de ses troupeaux divisés
Regardez avec souci son image défunte
Car elle n’est pas le grand pays
Où le temps vit.
Voyage
Vous êtes légers comme un passage
Tremblants du bruit de nos soupirs
De nos sommeils vigilants
Vous pardonnez au jour vos souffrances muettes
Et vos patiences noires auprès de chaque grille
Or est née la douleur d’un de vous disparu
Ondes du ciel et martyr de l’absurde
Parmi les corps éparpillés, parmi les pas perdus
Je plonge dans l’oubli de ces pas de personne
Et reste muette comme une peine absente
Mais il avait fait beau
Joyaux dans la nuit d’autres pas sonnent encore
Par-delà les derniers rivages de la mort.
Procession 1
Pour patrie un carnage
Où les peurs cherchent l’air
Le souvenir de l’air
Dans la sueur des gravats
Alors doucement ils montent
Un chemin promesse d’arômes, ils voient
La libération bénie de nos hauteurs
Les foyers paisibles auprès des mains fécondes
Ici sur nos versants, tout proches ils errent
Leur pas hésite loin des seuils
Ils repoussent les murs de fer
Un à un sur nos terres fertiles
Mais la torche des lampes a grandi notre faute
L’enfant nageur de l’enjambée
A fait un pas mortel
Dans le sable trompeur comme l’offrande.
Procession 2
Des cimes se levaient et guidaient votre exil
Dévoilées par le ciel infini sous lequel vos corps
A vide
S’élançaient à l’assaut des monts de perfection
Pour votre liberté claire elle est la seule amante
Loin des gravats de rouille et de terreur
Mais noire d’être conviée aux frontières des morts
Porteuse éternelle de torches refroidies
Elle est l’eau douloureuse de votre soif ardente
Plus proche du sombre mystère pénitent
Vous chassez de ses formes l’arroi qui fait vieillir
Délaissant les hauteurs parfaites de vos noms
Mais je voyais la rumeur qui diminuait le ciel
Un vent régnait presque noir, hostile
Un sol menaçait vos visages d’enfants
Et je n’ai rien dit du tourbillon mortel
Profanés vous êtes seuls, naufragés, creux du cœur
Dans la douleur des corps qui vont droit au néant
Je vous appelle mais n’ai pas la vertu de mon âge
Demeure hors d’atteinte près des grilles qui achèvent.
Procession 3
Le soir exhalant d’odeurs, les tables mises
Le front ouvert à la vision
Quand ils descendent
Avec un bruit de sang nos plaines saintes
De grands parfums trempés les environnent
Émaux debout et noirs dans l’immobilité
Leurs pas résonnent
Timides sur nos sols d’églises
Et maintenant
Les portes de cèdres qui leur sont closes
Les terres avenantes qui reculent
Des peurs
Et cette douleur que l’on refuse
Aveugle aux mains tendues
Des sueurs
Sous nos draps lavés agités de faux songes.
Prière
Une vigueur d’oiseaux exultant sur les mers
T’invitait
Et tu ouvrais le livre des prières
Et tu cherchais
Avec d’immenses mains le monde
Ô terres, en avançant
Jusqu’aux destins obscurs, aux dévotions
Jusqu’aux reflets des leurres
Qui pointent au jour naissant
Par la trame limpide, les pleurs noirs
Autre mémoire, autres bouches bruissantes
Sur une mer universelle
Un cri
Et les patries changées de ton visage
Lorsqu’un ange chercha
La liberté des terres au-delà des grillages
Les mains tendues
Les mains demandaient d’être prises
Dans la magie d’une autre
Dans le temps, l’herbe d’en bas
L’obole qui les brûle
Il fallait les toucher pour qu’elles vivent
Les mains demandaient au monde d’être prises
A la voix inconnue
Au souffle qui maintient
Elles éclairaient notre ombre digitale
A deux soleils d’eau quelques fois comme on pleure
L’une l’adieu et l’autre plus profonde.
Mirage
Ô robes de l’enfance
Déchirées comme un ciel par la foudre et les éclairs
Vous avanciez vers des horizons lointains
Avec vos yeux sombres pour réinventer la Terre
Avec vos pieds nus pour élargir son aire
Les lambeaux de vos vies à quelques pas derrière
Vous rêviez les eaux calmes et la verdure mêlées
Un vent de paix sur des villes éclairées
Vous avanciez
Avec un cœur d’enfant pour aimer le monde
Avec l’espoir de promesses immondes
Vers l’infidélité qui s’annonçait
Et mon souci fervent
Je vous attends.
Merci Alain, pour votre accueil, pour ce commentaire chaleureux et pour la belle mise en page sur votre site :-)
Superbe ! pour une première bravo Béatrice. . .un sujet tellement d’actualité traité avec tant de talent et de ressenti à la lecture, merci pour ce partage !