Le mulet et le bardeau – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Tout en débonnaireté et bedondaine
Rebondie, cy, là, un bardeau allait sa route
Par chemins et sentiers mais sans fredaine.
Un mulet, s’en allant mie à vaudéroute,
Suivait ce compère qui tout savoir croyait.
Ce premier de cordée, en rien éthique,
De querelleuse complexion, oyait
D’une mâle oreille reproche et critique ;
Balourde bêtise ou naïve candeur
Fort content de lui et plus encore de qui 
L’encense, il mène le duo, grandeur
Qu’il doit à son père qui n’était point estiquit.
N’était que d’y songer ! Trémulant, dandine
Son train notre couple lent, lourd de son faix,
Composé d’un mulet qui suit, henni en sourdine,
Un bardeau guidant et fort sûr de son fait.
 
Mais ce sottard ne savait pourtant, en sente
Comme en allée, pressentir le moindre danger
Ni prévoir le plus petit péril. Et l’innocente
Bête donc, toujours et partout, s’arrangeait
Pour fourrer le museau là où son comparse,
Ne l’aurait mie fait. Lassé des horions,
Il cède alors le pas à l’autre : « Est-ce là farce ? »
Fait le mulet compté pour vil brimborion
Jusqu’ici. Sentant bien le pourquoi de l’offre
Il la déclina et le bardeau qui fut,
Courtoisement éconduit, car il le gauffre
De compliments, l’oint de vertus touffues,…
Reprend la tête du convoi : l’esprit se brouille 
Ou se perd mie sous la caresse flattant
Notre vanité, ne nous chantant pas pouilles,
De soi – et du cajoleur – des plus contents.
 
Jamais donc ce concert ne tourna à l’aigre
Malgré, parfois, des propos fleurant vinaigre
Car le mulet, en son for, guettant la bévue
Prochaine du meneur, pensait dans son mouvoir :
« Si Bêtise se met devant pour être vue,
Intelligence reste en arrière pour voir ! »
 
© Christian Satgé – décembre 2018

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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8 Commentaires
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Philippe X
Membre
11 mars 2019 5 h 34 min

A décortiquer pour en faire un met de choix…je reviendrais donc pour être rassasié par des mots par moi ignoré….mais la faim m’a gagné;
Asinus asinum fricat..pour une fois je banni cette expression de mes intentions de penser.

Anne Cailloux
Membre
9 mars 2019 20 h 22 min

Je rejoins Beatrice,j’adore les ânes aussi.
Oui faisons comme l’âne restons derrière,
belle morale à médité surement ..
ANne

Invité
9 mars 2019 14 h 02 min

Bonjour le fin est finement dite;
« Si Bêtise se met devant pour être vue,
Intelligence reste en arrière pour voir ! »
Mais qui a osé dire qu’un âne c’est bête…
et j’adore les âne et mon ami en est fou

Bon et doux weekend bises amicales !