Le miroir et la glace – Christian Satgé

Petite fable affable

Dans le long couloir d’une grande demeure,
Qu’au jour, le soleil éclairait à toute heure,
Une grande glace et un petit miroir
Se faisaient face, fort loin de ces boudoirs
Que l’on sait feutrés en actes et paroles.
Lui, peu poli avec chacun, se croit drôle :
« Vous avez votre mauvais tain du matin… »
Disait-il pour commencer son baratin
À la digne et longue figure d’en face.
« Toi qu’ici, tous négligent, brisons la glace ! »
Puis ajoutait : « Si j’en juge par mon reflet
Dans votre eau que rien ne trouble ni soufflet
Ni camouflet, je me porte comme un charme. »
L’autre ne répondait jamais au vacarme,
Sage comme image, toisant le coquet.
Un jour, lassée, elle lâche au paltoquet :
« Réfléchissez donc, mon Petit qui tant s’admire :
Il est facile, pour qui de loin, aspire
À se voir entier, d’ignorer le détail,
Le défaut à corriger ; c’est mon travail
Et mon honneur : je suis illusion et flatte.
D’autres, petits et vicieux, sont poils qui grattent :
On ne s’y voit qu’en partie et c’est toujours
Pour remarquer, sur soi, sans joie, le labour
Des fatigues, les semailles du temps,… choses
Désagréables s’il en est, qui composent
Le dépit des Hommes, vos gloire et labeur !
On vous prête plus d’attention qu’à moi, certes,
Mais votre vérité fera votre perte :
Chacun préfère embrasser ses qualités,
Que trop voir sa faille ou sa fragilité ! »

© Christian Satgé – juillet 2012

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
13 mai 2018 18 h 00 min

C’est bien vrai.. Chaque miroir à son revers
de bien beaux mots
J’adore votre réplique : Réfléchissez-donc… pour un miroir c’est le comble..
Vous m’apportez le sourire Christian
Amitié.
Anne