Le Livre blanc d’un Nègre – Philippe X

 

     Cette période de confinement est peu propice à la découverte de nouveaux ouvrages, il y a pléthore d’écrivains en devenir.
     Dans le domaine bien gardé de l’édition, c’est « game over » ”çà tombe comme à Gravelotte”. Cette expression ne s’emploie pas que pour la pluie, mais aussi lorsque diverses choses (généralement non souhaitées) se succèdent rapidement.

     Chaque confiné en scrutant son nombril, a découvert dans ce reste de boyau, des qualités d’écrivain de génie.

     C’est par le cliquetis infernal des touches martelées de sa main droite, que l’improbable et insouciant auteur, s’est manifesté.
     Il s’est cru investi d’une mission divine. Celle de rassembler d’autres lecteurs qui, du coup, devant le culot du quidam, décident à leur tour de raconter l’histoire de leur nombril.

     Une force obscure lui a commandé de publier un texte qu’il espère voir propulser à la une des réseaux sociaux.
     Fort heureusement et c’est bien connu, la main gauche ignore ce que fait la main droite, qui, par ailleurs, n’est pas si adroite que ça, car comme le prétend cet adage populaire, « cet auteur était doté de 2 mains gauches ».

     Armé de son azerty, il assène, sous forme de pensées profondes, le fruit de ses contemplations nombrilistiques.
     Mais hélas, trop froid hélas, les éditeurs croulent sous une surproduction de ces « nouvelles » en manque de fraîcheur…. Vu la canicule.

     En farfouillant dans les panières d’un éditeur, je suis tombé, il n’y a pas de mal à ça, sur un “tapuscrit” original (manuscrit qui pue le rebus), il fallait que je vous en parle.

     Notez au passage, qu’il est difficile à un écrivain de parler de lui, à moins qu’il soit conteur et que son texte parle de lui-même. l’ écrivain devient alors inutile et sa prose est destinée à l’auto-édition qui n’a plus besoin des avis des lecteurs, c’est de l’auto-satisfaction…

     Une des panières portait l’inscription « classement vertical » .

     Il s’agissait d’une vingtaine de feuilles blanches et vierges de toute écriture.

     Elles étaient immaculées lors de leur conception, quelques rares annotations portées au crayon à papier, signifiaient qu’un critique avait tué la poule dans l’œuf.
Rien à dire, ni à redire à la suite de ce délit d’initié.

     De toutes évidences, l’auteur de cet ouvrage n’avait rien à dire et il fallait qu’il le fasse savoir à ses lecteurs.

     Comment partager son actualité avec les lecteurs ?
     De la manière la plus simple en publiant ce manuscrit dans lequel, à l’aide de feuillets blancs, de façon muette, il signalait qu’il n’avait rien à vous dire.

     La première annotation qui faisait tâche sur ces feuillets vierges, était l’œuvre d’un critique.
     Elle se résumait en quelques mots :

     « Au premier festival du film en Noir et Blanc dans le Lot : “aurait pu faire un malheur, si le blanc avait été en couleur”.

     Une seconde précisait :

     « Le blanc n’est plus tendance, contacter l’auteur pour qu’il noircisse ses pages en faveur du « Black Lives Matter ».

     Une autre noircissait l’avenir des ventes en s’adressant aux circuits de distribution :

     « S’abstenir de proposer ce livre en dehors du Black Friday ou alors au marché Noir ».

     Enfin, venue de la ville rose, un chanteur avait noté : « Sur l’écran noir de ces nuits blanches, je me suis fait mon cinéma.” 

     ……Merci Claude, mais je crains que ce soit sa dernière séance et le film est terminé !

      Le blanc fait parler ceux qui n’ont rien à dire et le Noir (je prie Messieurs les Censeurs de bien vouloir excuser mon outrecuidance.) fait parler la poudre et nous fait sentir le vent du boulet…. Celui qu’il avait au pied !

     Je pense à cet auteur qui croyait que pour pouvoir ne rien dire, il suffisait que cela se sache,   quelle erreur ! En ne publiant rien, il aurait dû savoir qu’il y a des silences qui en disent long.

     Une dernière émotion me vient à l’esprit.

     Connaissez-vous le sens et l’origine de ce mot “Ghostwriters » ou écrivain fantôme

     Un « nègre » littéraire, prête-plume, est l’auteur sous-traitant anonyme d’un texte signé par une autre personne, souvent célèbre.

     L’emploi du mot « nègre » dans cette acception, date du milieu du XVIIIᵉ siècle, en référence à l’exploitation des populations noires d’Afrique.

     Que dire de cet auteur « fantomatique » qui ne publie rien, dans un livre blanc. comme neige, assassiné par des gens qui « s’autorisent à penser dans un milieu autorisé » (COLUCHE) que de ne rien dire, c’est être coupable ?

©Philippe X – 07/08/2020

 

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Anne Cailloux
Membre
7 août 2020 14 h 14 min

J’ai hésité à ne mettre que ma signature.. Certains mots non dit sont plus parlant que le reste, puis vu que j’ai moi, deux mains droite, j’ai osé parler pour ne rien dire. Vous n’avez rien à dire non plus, mais vous le faite trés bien .Trés bel écrit de nos expressions..
Anne