Le fort le plus fort – Christian Satgé

 
Petite fable affable
 
Dans la concession, le matin se levait.
Il tannait déjà, quoique encore jeune, 
La peau de la terre qui, comme couvée,
Craquait sous sa brûlure qui,las, déjeune
Aussi des bons soldats de la garnison.
Sur leur rocher, ils veillent sur l’horizon.
 
Ils n’ont pas dormi leur content tous ces hommes,
Car ici la nuit s’abat dans la moiteur
Comme, dans une touffeur gênant les sommes,
 Le jour se traîne pour ces explorateurs.
Mais le comptoir a de forts bonnes murailles
Et l’indigène pas vraiment d’entrailles.
 
Depuis qu’on avait posé le pied ici
Pour prendre en main le sort de l’or, des épices
Et des soies qu’on y trouve, même assis,
Le fort de briques se dressait là, propice
À nous protéger de tout, sauf du soleil si chaud.
C’est vrai qu’il est construit à sable et à chaux.
Les Barbares du coin font notre fortune ;
On leur offre notre piété sans pitié.
Mais ces Sauvages courant bien d’autres lunes,
Être missionnaire c’est pas un vrai métier !
Le nôtre éduque surtout filles et femmes
S’occupant de leur corps plus que de leur âme.
 
Notre enceinte de pierres et ses fiers canons
Est imprenable mais l’homme est une argile
Fragile. Bien trempés, nos soldats, Crénom,
Oublient, à peine arrivés, leurs évangiles !
 Sieste, oisiveté occupent leurs journées
Comme luxure et alcool, sans ristourner.
 
Le capitaine soignant son vit et sa panse,
La Faucheuse paya son dévouement
À bon compte quand, lors d’une nuit de transe,
Le fort fut pris. La Mort le prit dans ses dents
Et lui dit, alors, cet ancien axiome : 
« Il n’est de bons murs que de bons hommes ! »
 
© Christian Satgé – février 2014

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
4 juin 2017 14 h 07 min

Merci beau partage.