Le Dancing de ma Grand-Mère – Simone Gibert

 

Hier, de ma mémoire

S’est ouvert un tiroir,

Ses images froissées,

Conjuguées au passé

Par un enchantement,

Se meuvent en présent.

Dans le vestibule,

Des conciliabules

Me parviennent étouffés

Jusque sur le palier,

Ce sont les jeunes gens

Qui passent en riant…

Dans ce vestibule

Est un grand “bidule”

Un haut porte-manteaux

Travaillé au couteau,

Comportant un miroir

Où chacun vient se voir.

 

Je l’appelle Mémé,

Ma quatrième année …

J’ai une soeur là-haut

Qui dort dans son berceau.

Je descends l’escalier,

Sur mon bras replié,

Mes habits de “gala”,

Quelqu’un dit “la voilà ,

On la croit endormie,

Mais non, la revoici !”.

 

La maison est prête,

Musique à tue-tête,

Bugnes dans les paniers

Des plateaux soulevés

Par-dessus nos têtes,

Ce soir, c’est la fête !

 

Là, c’est ma Grand-Mère

Qui partout s’affaire,

En bas, c’est la cohue,

Tous les clients affluent

Les uns sont attablés

Dans la salle à manger,

Les autres ont investi

La cuisine aussi !

années 40

 

Des rires, des chansons,

Clamées à l’unisson,

La convialité

Est ici magnifiée,

Lorsque les plats fumants

Séduisent les gourmands.

 

Le flou du temps lointain

Me restitue le moins

Qui me permet pourtant

De saisir ces moments

Défroissant l’image

Fuyant en nuage.

Voici mon Grand-Père

Remontant des bières

Dans la grande salle

Où se tiendra le bal,

Là-haut cligne le noir,

Et dans ma mémoire…

 

L’arrière Grand-Mère

Et sa tabatière

Dans la poche cachée

De son grand tablier.

Ce soir est-elle là ?

Je ne m’en souviens pas.

 

Je cours près de Maman,

Quel est mon vêtement ?

Ce n’est pas un tracas,

Ce soir c’est Mardi-Gras !

Mais je n’ai oublié

De Maman la beauté.

 

Ils sont tous des copains,

Mon Oncle musicien,

Le saxophoniste,

Bientôt sur la piste

Que l’on a arrosée,

Ils nous feront danser …

Je perçois les flonflons,

Je suis sur des charbons,

Piétinant, trépignant,

“Vas donc !” me dit Maman,

Les deux marches sautées,

Je suis prête à veiller.

 

A droite, un guichet,

Y a-t’il des billets ?

Ma mémoire s’effrite,

Tous se précipitent,

Le bar est assiégé,

Les tables réservées …

 

La musique explose,

Et ce petit ose

Inviter Simone

Et ils tourbillonnent

A chaque cadence

Leur corps se balance,

Ils dansent, ils dansent !

 

Mais cette âcre odeur

De tabac, de sueur,

De bière, de poussière

Est plus qu’un mystère

Pour les deux innocents

Qui s’enlacent en dansant.

Ils dansent, ils dansent !

 

La petite fille

A les yeux qui brillent

La danse l’habite

C’est ce qu’elle hérite

Cette distraction

Devenue passion.

La petite fille

A les yeux qui brillent,

La danse l’habite,

C’est ce qu’elle hérite

De cette distraction,

De ces temps de passion,

La danse, la danse …

 

©Simone Gibert

années 40

 

 

 

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Laurence de Koninck
Membre
13 octobre 2018 15 h 32 min

Tandis que vous brodez vos jolis mots, la pellicule déroule son histoire familiale… Texte très vivant où l’envie de me mêler à la foule me prend. Toutes vos belles images d’un autre temps est un régal pour les yeux. Merci Simone.

Invité
12 octobre 2018 19 h 26 min

Magnifique partage nostalgique j’adore bravo Simone

Invité
12 octobre 2018 11 h 04 min

Encore merci Chrisian Satgé, ces souvenirs si lointains ne peuvent peut-être pas être appréciés !

Christian Satgé
Membre
12 octobre 2018 10 h 52 min

J’adore ces récits nostalgiques tout en verve et en vers… Bravo et merci pour ce partage.