le Curé de Saint-Julien – Marie Combernoux

Le Curé De Saint-Julien

C’était une autre époque, celle où les curés portaient encore la soutane. Je devais avoir 8 ou 9 ans, et j’allais à l’école des « soeurs » où j’apprenais le catéchisme et tous les préceptes de la religion.

Régulièrement, un prêtre de la paroisse de Saint-Julien venait nous confesser. C’était un homme grand et maigre, austère, avec un long nez crochu et qui n’avait guère le sourire Bref, quelqu’un de très antipathique.

Nous passions chacune à notre tour dans un confessionnal improvisé pour avouer nos péchés et demander pardon à Dieu par l’intermédiaire du curé de Saint-Julien.

Ce jour là, j’avais de gros péchés sur la conscience et j’avais peur de me confier à cet homme d’église qui ne me rassurait pas. Mais enfin, il fallait bien que je rentre dans le droit chemin !

En tremblant, je m’agenouillais sur le prie-Dieu et je fis le signe de la croix « Bénissez moi mon Père parce que j’ai péché » Le curé me bénit , se cala sur sa chaise et me dit : « Dites moi vos péchés ma fille »

Alors, je commençais par lui avouer mes péchés les plus « légers » gardant les plus gros pour la fin.

« j’ai désobéi, j’ai été gourmande et …. j’ai lu des revues qui n’étaient pas pour les enfants »

« Ah, Ah ! dit-il soudain plus attentif  et curieux : « Et qu’est ce qu’il y avait sur ces revues ma fille ? »

« Des femmes nues, mon Père »… C’étaient des LUI que j’avais lu chez mon amie Isabelle, en allant aux toilettes, et de ma vie je n’avais jamais vu de pareilles « horreurs »,mais , curieuse, j’avais quand même lu les revues jusqu’au bout !

Le curé de Saint-Julien devint rouge et ses yeux lancèrent des éclairs et il me dit « et ensuite ? »

vous avez autre chose à me dire ? »

 

– 1 –

J’étais à la torture, je pleurais presque, mais j’allais jusqu’au bout « oui, j’ai aussi joué au docteur avec mon cousin ». Et là, ce tordu me demanda: « Ah,Ah !Et en quoi cela consistait ? » Comme s’il ne s’en doutait pas ….. !

« Alors moi, pleurant maintenant pour de bon je dis : « on s’est un peu tripoté ». OH ! me dit il toujours gourmand de détails croustillants : « Et il vous est monté dessus ? » Et moi, éberluée, ignorant complètement le sens de cette phrase : je répondis naïvement  :« oui mon Père  » !

Le curé se mit en colère : « vous êtes une grande pécheresse » « vous irez en Enfer » Et là, il me débita toute une série de malédictions qui m’attendait.

J’étais terrorisée, je pleurais à chaudes larmes, m’imaginant déjà sous la férule du Diable, qui , d’après ma grand-mère avait une grande horloge dont le balancier faisait « toujours, jamais, toujours, jamais » (toujours tu verras le Diable, jamais tu verras Dieu).. .

Il me donna ma pénitence, je ne sais combien de Je Vous Salue Marie et de Notre Père, plus le chapelet. Je ne savais pas dans quel temps j’allais dire toutes ces prières et d’ailleurs, pour le chapelet, je ne savais pas comment on le disait.

Finalement, j’étais quand même libérée d’avoir tout dit et je sentais confusément qu’une petite fille de 9 ans n’allait pas en Enfer pour des pécadilles.

Je pris la résolution, pour mes futurs péchés, de m’adresser directement au Grand Patron et non pas à ses représentants sur terre qui n’attendaient que des histoires scabreuses.

Le destin voulut, que quelques années plus tard, le curé de Saint-Julien eut une fin étrange et qui fit grand bruit dans la région : il fut tué d’un coup de fusil par un paysan du coin, et nous apprîmes par la suite qu’il pratiquait l’usure et faisait payer de lourds intérêts aux gens à qui il prêtait. Quelqu’un avait voulu mettre fin à cette pratique honteuse, condamnée par la religion, quitte à partir en prison.

– 2 –

Il y eut aussi des rumeurs de « cocufiage » entre couples mariés et le curé de St-Julien qui avait fait couler beaucoup d’encre et entretenus les cancans, mais finalement la première version sur l’usure fut retenue.

Il y eut un article dans la presse locale, et les gens en parlèrent pendant quelques temps, puis l’affaire se tassa et l’on passa à autre chose.

Ainsi prit fin tragiquement le ministère du curé de Saint-Julien qui m’avait promis l’Enfer et qui doit être entrain de regarder la pendule du Diable  qui se balance en martelant pour l’Eternité : « toujours, jamais, toujours, jamais. ..»

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Marie Combernoux

Marie Combernoux (46)

je ne suis plus une jeunette, je suis née le 3 Avril 195....et quelque, j'ai été élevé jusqu'à mes 12 ans à Caussade (82) par mes grands parents , qui étaient agriculteurs et négociants en fourrage, j'ai été élevé entouré de nature, d'animaux de basse-cour, d'un jardin, et j'ai aussi appris l'occitan car entre eux mes grands parents le parlaient. Après 12 ans de bonheur , je suis allée vivre àToulouse, avec ma mère et son mari. A partir de là, ce fut une autre histoire.... je viens d'écrire un libre de nouvelles, réelles et fictives, et de poésies, j'attend sa sortie. Voilà un peu de moi, mais vous ne savez qu'une partie de ma vie riche et cahotique à la fois Bien cordialement.

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5 Commentaires
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Invité
18 mai 2018 12 h 19 min

Merci Marie beau et touchant texte qui nous narre une histoire véridique d’une enfant qui se confesse à un curé. Et qu’on découvre par la suite un homme qui n’est pas honnête. Et lui même est pêcheur. Ah! Marie dans la vie on découvre souvent des choses surprenantes. Et ça nous marque à vie peut importe l’âge que nous avons, enfant, jeune ou adulte. Et ces choses vous forment la personnalité. Et elles nous éclairent sur certaines choses . Parfois et souvent elles sont décevants

J’ai aimé ma lecture
Agréable journée
Mes amotés
Fattoum.

Philippe X
Membre
18 mai 2018 7 h 38 min

Je vous aurais donné le bon dieu sans confession..! et je ne l’aurais pas regretté.

Christian Satgé
Membre
16 mai 2018 20 h 23 min

Jolie anecdote d’enfance toute en force et en tendresse malgré tout. Merci pour ce partage…