Le blaireau et le faisan – Christian Satgé

Rien ne va à qui a grelot sous le calot !

Un gros blaireau pleurait sur sa vie, sur ce lot

Que Dame Nature, tout en vice et malice,

Lui avait octroyé : « Sans faire de mélo,

Je suis né gras et gros comme un vieux cachalot.

De vers et de bêtes je dois faire délice,

Et n’ai, au long du jour, comme unique boulot

Qu’à devoir me terrer comme un rat, un mulot.

Et pour que plus complet me soit le préjudice,

Au lieu d’un habit flambant de mac’, de gigolo,

Je ne suis revêtu, comme un simple pélot

Que de vils traits palots sur paletot réglisse ! »


L’éploré, moins futé que ne l’est un bulot, 

Se trouvant un peu seul dans son bois de bouleaux,

Avait fraternisé avec quelque complice

Lisse d’esprit, brillant du bec, bref un faraud

Qui avait pour talent sa plume et son culot.

Ce faisan, disons-le, se disait un Ulysse

Car il était allé au bout du pré pâlot,

Et, mieux, il en était revenu, d’un galop

D’ailes, malgré quelques chasseurs formant milice,

Paradant plume au vent, ses couleurs pour halo :

Le blaireau ébloui le croyait intello’

Et le clamait haut sur scène comme en coulisse.

Ainsi la vie, pour nos deux petits ciboulots,

Filait comme au torrent de leur bois passait l’eau,

L’idole se paonnait – tout sur lui coule et glisse –

Quand pour son fidèle tout allait à vau-l’eau,

La peur et la honte étant toujours son lot.

Mais un jour, la chasse reprit. Vieux supplice.

Le blaireau se cachait, tremblant en son huis-clos

Pas le fanfaron qui brocardait ses sanglots.

Une balle perdue, las, lui fit une éclisse.

Ainsi mourut Faisan de la main d’un soûlaud

Qui visait un lapin qui s’en fut. Le salaud !

 Du chagrin, l’autre but, seul, la lie du calice.

 Comme nous le disait, jadis, le vieux Boileau :

« Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire. » 

Il en va des corniauds, des nigauds et ballots

Qui sont de notre entour et, là, se font reluire !

Petite fable affable

© Christian Satgé – novembre 2012

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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1 Commentaire
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Anne Cailloux
Membre
2 février 2018 23 h 36 min

Nous sommes toujours si près de ses animaux…. bel écrit, j’adore