L’amour qui tue – Simone Gibert –

Cette porte s’ouvrait

Sur un double bouquet

De lys blancs, ivoires,

En reflet du miroir.

 

Leur lourd parfum flottait,

La lumière explosait

Du blanc, rien que du blanc

Dans tout l’appartement.

 

D’une voix étrange,

Secouant la fange

Qui me collait la peau,

Il m’est arrivé, beau.

 

Moi, j’ai un peu parlé,

Lui, il n’a pas cessé

“Je ne me livre pas”

Il ne faisait que ça !

 

Enfin, je le croyais

Et je le regardais,

Ses cheveux longs tout blancs

Le rendaient émouvant,

 

Ses yeux verts se voilaient

Tandis qu’il m’expliquait

D’un fils les misères,

Très particulières,

 

Ses passions, son métier,

Il avait un voilier

Au bord du lac Léman

Il naviguait souvent.

 

Je sus que la chasse

Occupait la place

Laissée par la femme

Ignorant son âme.

 

Les lampes éclairées

Des colonnes marbrées

Brisaient dans les miroirs

La profondeur du soir.

 

“Il est tard sûrement”

Dit-il tranquillement,

Mais il restait assis,

Je le savais conquis.

 

Il ne pouvait briser

Le fil déjà tissé,

Nous nous faisions face

Hors du temps qui passe …

 

Il finit son verre,

Redevint sévère,

Il dit comme à regret,

“Je téléphonerai”.

 

Son regard appuyé

Dans mes yeux s’est noyé,

J’entendis un “merci”,

D’un bond il partit.

 

Depuis lors, chaque jour

Se nourrissait d’amour,

Rendez-vous, voyages,

Redonnaient courage,

 

A cet homme meurtri,

Comme le fait la vie

A un être sensible,

Le prenant pour cible.

 

“Ô dé-torture-moi”,

J’évaluais le poids

De cette gravité

Mais sans la redouter.

 

“Ô, comme je t’envie

De vivre ainsi ta vie,

Si claire, sans tabou,

Moi je deviendrai fou !

 

Tu te réveilleras

Un matin dans mes bras,

Et tu me verras vieux,

J’en serai malheureux,

 

Et je le suis déjà !

“Mais que dis-tu là ?

Ton âge est le mien,

Ainsi le temps n’est rien !”

 

“Non, tu es différente,

Mes démons me hantent !”.

Puis il m’étreignait fort

Pour contrôler son corps.

 

Quand j’ai lu ses lettres,

J’ai cru que peut-être

J’aurais dû l’amener

Dans ma réalité.

 

Je le croyais si sûr,

Je le voyais si mûr,

Avec nos sentiments

Nous serions triomphants.

 

Ce matin c’est l’adieu,

Mais je n’ai dans les yeux

Que son retour, l’espoir,

Ce soir de le revoir.

 

Je décroche, pressée,

Sa voix est fatiguée,

Il me retient même,

Je lui dit “je t’aime”.

 

Avant de raccrocher,

Je le sens oppressé.

Dernier jour de chasse,

Il est en Alsace …

 

Je l’ai tant attendu

Que je l’ai su perdu,

De tous mes sentiments

Naît ce pressentiment…

 

Une scène d’effroi,

Revendiquant sa proie,

Sa maîtresse, la mort,

Se dresse sur son corps,

 

Ce terrifiant écho,

Plus tranchant qu’un couteau,

Dans un monde d’horreur,

Fait éclater mon coeur.

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1 Commentaire
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Invité
20 octobre 2018 10 h 34 min

Remerciements à Christian Satgé et à Ghazy Belghazy, qui eux dépassent de loin, mon style quelque peu scolaire.