L’abeille abattue et l’osmie battante – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Ferme comme rocher, froide comme un torrent,
La belle abeille a bu, comme une volucelle,
Aux fleurs pailletée de cette humide étincelle
Qui annonce, dès l’aube, un beau jour odorant.

Et pourtant, rien n’égaie l’apidé matinale
Qui va si tristement au sien labeur qu’Osmie
S’en inquiète tout haut avec la machinale
Gentillesse des gens simples qui sont amis :

« Pourquoi donc bouder la beauté de nos pâtures ?

Ce sont traîtres charmes que ces fleurs que les Humains
Ont  bourrées de poisons en un vil tournemain
Ou bien c’est ruse ourdie par la Dame Nature !
À sucer et laper ces venins, me voilà
Malade, pire condamnée, sans vergogne
À périr, non sans souffrir, et d’ici là,
À dépérir jusqu’à ne plus savoir ma trogne.
Pourquoi chez les Bêtes, ne peut-on demander
Qu’on abrège, d’un coup, cette horrible torture
De la douleur ou bien, sans plus de fioriture,
Que le supplice cesse avant de nous brader ?

Tu voudrais qu’à mourir on t’aide ou on t’assiste ?

Oui, Dame Osmie, pour partir le plus dignement
Possible dans l’odeur des roses et des cistes…

Crois-tu que je n’ai pas le Mal tout mêmement 
Que toi ? Penses-tu que j’ignore le terrible
Sort qui sera aussi le mien d’ici fort peu ?
Mais je n’aspire pas à un sauve-qui-peut :
Ma grandeur à moi, face au pire et au pénible,
Ce sera d’affronter la Mort et de lutter, 
Pied à pied contre elle, avec force, avec panache
Jusqu’à ce que, hélas, mon bien pauvre cœur ne lâche.
Est-ce plus indigne que de la court-juter ? 

Aussi, je récuse ici le droit à quiconque 
De dire que telle mort serait quelconque
Quant une autre se voudrait honorable. Oncques
Ne vit trépas qui soit sillage de jonque ! »

© Christian Satgé – juillet 2017

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Invité
6 mai 2019 10 h 03 min

Bonjour Christian très occupée en ce moment entre poésie et mon roman
Je passe te dire quand l’homme se réveillera t’il il tue notre écot système et les abeilles sont des victimes potentielles tristesse en mon âme stop je le proclame
Douce semaine mes amitiés je t’embrasse

Anne Cailloux
Membre
5 mai 2019 14 h 21 min

Tellement vrai, la disparition des abeilles me rends triste, vraiment
ainsi que tout les reste..
Espérons qu’un jour nous serons assez nombreux pour faire reculer les profiteur
et sauver notre monde, notre flore et nos animaux
Merci de vos mots Christian, qui sont si vrai !