Elle marche.
Dans les rues, dans les bois, tout le jour, tous les jours, elle marche.
Entend-elle les chants d’oiseaux ?
Voit-elle le printemps qui s’achève, les feuilles timides encore, les oiseaux audacieux, les insectes téméraires ?
Elle marche.
Ses longs cheveux gris, raides et gras encadrent un visage sans grâce.
Elle marche.
Et elle parle, à deux voix qui se questionnent et se répondent.
Tout le jour, tous les jours, elle marche. Et elle parle.
Elle est seule et plusieurs à la fois.
Voit-elle les nuages noirs ?
Sent-elle l’odeur de la pluie ?
Une ondée passe et ne la trouble pas.
Elle marche et elle parle, seule.
Entend-elle les rires ?
Les gens qui se moquent ?
Qui la reconnaissent et disent : tiens, encore cette vieille qui parle seule.
Elle marche.
Tout le jour.
Tous les jours.
Qui est elle ?
Quel désespoir fit d’elle une et plusieurs à la fois ?
Ce jour de fête des mères, à midi, par les rues, elle marche.
Comme si nul ne l’attendait jamais.
Elle parle.
À deux voix.
Qui se questionnent et se répondent.
Et je songe à mon petit garçon autrefois,
Qui jouait tous les rôles à la fois.
Un moment chasseur, brandissant une lance imaginaire et la lançant avec force.
Une fois chassé, portant sa main à son coeur, et s’effondrant les doigts crispés sur la flèche plantée.
Qui est-elle, cette vieille femme qui marche, et qui parle pour elle même ?
Quelle enfant fut-elle ?
Aimée, choyée, une belle enfant ronde aux jours roses ?
Délaissée, oubliée, une gamine have et maigre ?
Quelle jeune femme fut-elle ?
Vive et gaie, de celles que les garçons recherchent et que les filles admirent ?
Silencieuse et pincée, de celles dont on se moque et qu’on poursuit de quolibets ?
Elle marche.
Tout le jour, tous les jours.
Des fantômes habitent ses rêves.
Les petites filles,
Les jeunes femmes,
Les femmes mûres,
Toutes celles qu’elle fut ou qu’elle aurait pu être,
Marchent avec elle
Pacafou
Nombre de Vues:
