La plume et la pierre – Christian Satgé

Petite fable affable

Un caillou fort mal dégrossi se veut pierre polie.
Trop pour être honnête. Il avait amassé, en cours de route,
Plus que mousse : il n’est crasse ni crosses dessous les gaulis
Où notre « pierre » n’est mêlée : elle ne se déroute
Jamais ayant, quoi qu’on dise, du caillou l’entêtement.
Plate, mal taillée mais toujours dressée, elle est bêtement
– Parce que sans éclat – courroux et violence aux abois.
Sèche, elle fait voir les pierres à d’aucuns : notre héroïne
Se croit précieuse, parce que dure, et, pis, des plus fines
Parce que choyée de tous, plus par crainte que par choix.

À l’aube d’un matin de printemps, à un jet de pierres
Du lieu où elle a fait son trou, une plume est tombée
Du nid d’un geai, sur son bout de nez : « Quel est ce lierre,
Tonne notre bout de roc, que je le fasse succomber ?!
– Je suis duvet et ne pèse guère, Votre Petitesse !
Comment peux-tu donc…?! Toi qui es la plus insigne des fèces,
Tu va pourrir comme pourceau dans la terre labourée
Par mon pas quand moi je resterais gravée dans les mémoires !
– La roche la plus solide s’érode, nous dit l’Histoire,
Et le caillou jouant au dur se casse, même carré.

Quitte à y laisser des plumes, lui dit l’apprentie rémige,
Coursons-nous tantôt jusqu’au gros rocher, tu vois, tout là-bas.
– Allons, j’y serai sans peine et toi sans penne !… Quel prestige
À cela, poids-plume !… Bah, que m’importe si je te bats ! »
À l’heure dite, le jalet roule au but et, là, s’y brise
Quand la plumette volette et survole, au bon gré des brises,
L’objectif qui fut la pierre tombale du caillou.
« Quoi que tu fasses, fais-le avec légèreté et grâce
Quand les sots le font avec gravité pour laisser leur trace ! »
Dit celle à qui il voulait voler dans les plumes, voyou.

© Christian Satgé – décembre 2015

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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